
La Suite de l'Article :
"Nous avons un conseil d’école et un groupe de mères. Ce dernier est là pour mieux impliquer les parents et sert d’étape intermédiaire vers un comité de parents, parce que certains musulmans traditionalistes ne veulent pas de réunions mixtes. Cela fait neuf ans que nous menons un dialogue sur tous ces problèmes, mais nous tournons en rond. Il vient un moment où on ne peut plus rester passif, il faut faire quelque chose, pas parce que nous avons quelque chose contre les musulmans, bien sûr que non, mais pour défendre notre projet d’égalité des chances et de pluralisme." déclarait alors la directrice de Hoboken à Solidaire. La décision ne pouvait que créer des remous, dans des établissements où la très grande majorité des élèves sont de confession musulmane (80% à Hoboken). Des groupes étaient venus manifester devant l'entrée des écoles, une semaine durant, des manifestants y étaient entrés, avaient endommagé du matériel et avaient jeté des livres par la fenêtre (au total, les déprédations avaient coûté 17.000 euros), des menaces avaient été proférées, Madame Heremans avait dû recourir à une protection policière, elle avait même surpris un étranger à l'Athénée dans la cour de récréation : il notait les identités des élèves qui continuaient à fréquenter l'établissement. Est-ce là l'atmosphère dans laquelle les adversaires d'une loi estiment que les élèves peuvent exercer un choix librement et sans pressions ?
C'était il y a deux mois. Le journal De Standaard du 29 octobre constate que depuis, la moitié environ des élèves ont réintégré les établissements en question. De plus, les réinscriptions se succèdent : cinq par semaine en moyenne, déclare Madame Heremans. Madame Weyers précise que l'atmosphère de pression sur les jeunes filles a diminué, au point que certaines ne mettent plus leur foulard sur le chemin de l'école. Toutes deux attribuent ces retours à l'attraction exercée par certaines initiatives pédagogiques, par exemple la collaboration avec des étudiants du niveau universitaire, mais pas seulement. Karine Heremans encore : "Après neuf ans dans cette école, je suis de plus en plus persuadée que ces jeunes doivent sortir de cette attitude de victimes. C’est être de gauche et progressiste aussi que d’oser exiger quelque chose d’eux. C’est pour cela que j’insiste tellement sur notre message de réciprocité. Nous investissons beaucoup en eux. Beaucoup de professeurs sont encore ici à 18 h pour donner une aide supplémentaire. Nous reconnaissons leur religion, nous organisons des voyages à Istanbul ou à Jérusalem" .
Quant à l'école musulmane qui s'est fondée suite aux événements de juin, l'imam anversois Nordine Taouil affirmait en septembre qu'elle comptait une vingtaine d'élèves. Même s'il ne faut pas tirer trop vite de conclusions définitives, on est pour le moins très loin de la ruée que certains annonçaient.
Une hirondelle ne fait pas le printemps, mais 150 retours, cela donne à réfléchir. Réfléchir entre autres à l'argument avancé voici quelques jours encore par les auteurs d'une Carte Blanche dans Le Soir : l'interdiction du voile "comporte un risque sérieux de piliarisation perverse de notre système scolaire." (On pourrait objecter que le Pacte Scolaire de 1958-59 a institutionnalisé une piliarisation mais sans doute n'est-elle aux yeux des auteurs pas "perverse"). Nous avons déjà noté qu'en France, la ruée annoncée vers les écoles musulmanes ne s'est pas produite après la loi foulard. Ici, dans un contexte difficile, passionnel, médiatisé, il semble bien que comme en France, l'attraction d'un enseignement de qualité et officiel touche fortement élèves et parents musulmans, peu attirés par l'idée d'un enseignement confessionnel, malgré les pressions très fortes dont ils et elles ont fait et font l'objet. Karin Heremans déclarait en septembre déjà : "Il y a d’ailleurs des parents musulmans qui me disent : « Vous avez raison, madame. Nous voulons que nos filles trouvent leur place dans la société et elles devront pour cela retirer leur voile dans certaines circonstances. ». Cette opinion semble avoir gagné du terrain dans la communauté musulmane anversoise. Ces signes ne manquent pas d'intérêt, alors que le Conseil de l'enseignement de la Communauté flamande compte interdire le port du voile dans l'ensemble des établissements de l'enseignement officiel de Flandre dès la rentrée 2010.
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Mots-clef : voile, islam, école, Anvers