Marek Edelman fut l'un des dirigeants de l'insurrection du ghetto de Varsovie contre les nazis, en 1943. Il était le dernier survivant parmi ceux qui s'étaient retrouvés à la tête de cette lutte héroïque, désespérée mais exemplaire. Il déclara par la suite : "On savait parfaitement qu'on ne pouvait en aucun cas gagner. Face à deux cent vingt garçons mal armés, il y avait une armée puissante. "Nous, nous n'avions pour nous tous qu'une seule mitrailleuse, des pistolets, des grenades, des bouteilles avec de l'essence et tout juste deux mines dont l'une n'a même pas explosé"".
Le journal "Le Monde" retrace sa biographie, mais on peut relever dans l'article une zone de silence : on n'y évoque guère la relation douloureuse entre Edelman et la situation au Proche-Orient.
Edelman représentait la tradition du mouvement juif socialiste Bund, qui était hostile au sionisme. Edelman n'avait jamais changé d'avis sur ce point. Il avait répondu à une journaliste de Yediot Ahronoth : "Ça, c’est votre philosophie d’Israélienne, celle qui consiste à penser qu’on peut tuer vingt Arabes pourvu qu’un Juif reste en vie. Chez moi, il n’y a de place ni pour un peuple élu ni pour une Terre promise." Il disait aussi : "Quand on a voulu vivre au milieu de millions d’Arabes, on doit laisser le métissage faire son oeuvre". Mais il a également lancé aux groupes palestiniens :"Nos armes n’ont jamais été tournées contre une population civile sans défense. Nous n’avons jamais tué de femmes ni d’enfants".
Cet article a été repris dans "Courrier International" du 13/4/2006. Il est réservé à ses abonnés. Citons-en un bref extrait :
"Quand on lui demande si l’insurrection, vouée à l’échec, n’était pas un suicide collectif, la réponse fuse. “En nous soulevant, nous avons rappelé notre appartenance au genre humain. En prenant les armes contre ceux qui voulaient nous anéantir, nous nous sommes raccrochés à la vie et nous sommes devenus des hommes libres. La meilleure preuve en est que beaucoup de combattants de l’OJC ont pu fuir le ghetto après la bataille. Ceux qui sont tombés par la suite, c’est en combattant avec les partisans polonais.”
Les quelques centaines d'insurgés n’ont-ils pas risqué la vie des 60 000 Juifs
encore présents dans le ghetto ? “Non, le dilemme n’existait pas. Nous étions
tous condamnés à mort, quoi qu’il advienne. Nous savions que tous ceux qui
étaient envoyés à Auschwitz et à Treblinka étaient promis à la chambre à gaz.”
C’est sur le soutien reçu du monde extérieur que Marek Edelman se montre le
plus amer. Pas seulement envers le gouvernement polonais en exil, mais surtout
envers les Juifs de Palestine. “L’OJC avait informé Ignacy Szwarcbart [dirigeant sioniste et député polonais en exil] et le gouvernement polonais de Londres. Le Mossad savait aussi ce qui se passait ici. Ses agents se sont pourtant contentés d’évacuer les gens disposant d’argent, et encore, jamais pendant la guerre et uniquement vers la Palestine.
Le fondement de l’idéologie de Ben Gourion et des siens, c’était la rupture avec la diaspora [juive]. Il en était arrivé à refuser de s’exprimer dans sa langue maternelle, le yiddish [langue germanique mêlée de slavismes et d’hébraïsmes], la langue des 11 millions de Juifs d’Europe et d’Amérique.”
Ben Gourion avait en effet déclaré lors d’une réunion de responsables du Mapaï
[le Parti ouvrier d’Israël, ancêtre du Parti travailliste], le 8 décembre 1942 : “Le désastre qu’affronte le judaïsme européen n’est pas mon affaire” [cité aussi par Tom Segev dans Le Septième Million – Les Israéliens et le génocide, Liana Levi, 1993].
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Mots-clef : ghetto, varsovie, nazisme, seconde guerre mondiale, insurrection, Bund, Israël
1 commentaire:
Merci de rappeler cette dimension du personnage. Je trouve assez ahurissant qu'elle ait "disparu" de l'article du Monde.
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