vendredi 25 décembre 2009

François Béranger : "Le Vieux" (Vidéo)


C'était un temps où les chansons n'étaient pas encore des "produits". Dans la maison communautaire, la stéréo égrenait très souvent les notes et les mots doux et terribles de François Béranger. Au hit-parade de nos petits déjeuners, il faisait à peu près ex-aequo avec Dick Annegarn. Le soir, Catherine Ribeiro prenait sa revanche, mais Alan Stivell ou Pink Floyd se taillaient une part du gâteau (qui tenait parfois du magic cookie). Béranger, emporté par la maladie en 2003, à 66 ans, avait été ouvrier, soldat en Algérie, homme de radio, et surtout auteur-compositeur et chanteur. J'avais eu la joie de lui consacrer une longue émission à la RTBF, filmée lors d'un grand concert à Charleroi, dans les année '70. Ces images-ci sont plus récentes, prises à Lille en 1998. Béranger , lui qui n'a pas eu le temps de vieillir, y chante "Le Vieux" - une chanson que j'ai ajoutée à mon répertoire en très modeste hommage. L'éditeur Futur Acoustic a réédité et vend sur son site. certains albums de ce plus qu'artiste.



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mardi 22 décembre 2009

Mémé Mahy : La Hiercheuse (Vidéo)

Curieux hasard : j'ouvre le Petit Robert pour voir si "hiercheuse" y figure, et le premier mot qui me saute aux yeux est "grisoumètre". Les deux termes viennent du même et sombre univers, mais la hiercheuse n'a pas les honneurs du célèbre dictionnaire. Et pour cause : le mot est wallon. Il désigne les ouvrières qui, dans les galeries de la mine, poussaient les wagons.
Le tableau ci-dessus de Constantin Meunier (1831-1905) se nomme "Hiercheuse descendant à la fosse", cette fosse qui en cas de grisou devenait trop souvent fosse commune. Les hiercheuses ont inspiré les artistes - il existe à leur sujet d'autres oeuvres, lithographies, sculptures - mais dans leur vie qui tenait de la survie, il n'y avait sans doute guère de place pour les satisfactions culturelles. Déjà, le coeur se serre quand je lis sur un certificat les horaires de travail de ma mère, travaillant dès l'âge de quinze ans aux usines de tabac Richmond Doize, à Liège : 8 heures par jour (plus un trajet interminable), 6 jours par semaine, 52 semaines par an.



Claudine Mahy, alias Mémé Loubard, chanteuse belge, wallonne ("Née en 1937 de papa mineur et maman femme d’ouvrage, fière de mon milieu"), animatrice aussi d'un lieu de chansons (El Bwésse à Musique), a dédié l'une des siennes, de chansons, à une hiercheuse. Le devoir de mémoire, c'est aussi ça.
C'est une belle chanson, elle a été bien illustrée, et le tout est devenu une vidéo.
Cliquez pour l'entendre et la voir.

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Mots-clef : mines, hiercheuse, wallonie, claudine mahy, vidéo

Le Parti Populaire, Modrikamen, et l'Immigration


Le tout neuf Parti Populaire belge veut ratisser large, puisque son président, Maître Modrikamen, a déclaré au Soir, le 11 septembre, que la formation «rassemblera sous une même ombrelle la droite libérale, la droite conservatrice, et les déçus du système, qui votent une fois FN, une fois Ecolo», tout en se voulant une alternative au PS. S'inspirant du parti homonyme espagnol et de l'UMP sarkozienne, Mischaël Modrikamen ajoutait que "A terme, le but serait évidemment de créer un tel mouvement incluant potentiellement le MR et tout ou partie du CDH". Evidemment, les lézardes actuelles dans les murs du MR ont de quoi éveiller des appétits. Mais plus modestement, le discours des nouveaux venus leur permet de miser sur un autre fonds de commerce, les décombres du Front National.


Maître Modrikamen a en effet effectué dans le paysage politique belge une entrée tout en nuances. Pour lui, par exemple, redouter le réchauffement climatique tient de la "foi religieuse". Si l'immense majorité des scientifiques estiment que le réchauffement est une réalité, explique l'avocat d'affaires, "Le véritable problème est que l’on sent poindre derrière toutes ces réunions un discours terriblement anticapitaliste. On est en train de faire le procès de l’Occident et d’organiser le transfert massif de subventions vers les pays du tiers-monde et autres." Les allocations de chômage doivent être limitées dans le temps, l'âge de la retraite, reculé, les vaccinations, réduites, la présence policière, renforcée, et les procédures judiciaires extrêmement accélérées - ceci sans qu'un mot soit dit sur une lutte contre les racines de la délinquance - .

Un autre cheval de bataille, c'est l'immigration, "qui échappe à tout contrôle". Dans un chat, le Président écrit "l'immigré qui rejoint la belgique sait où il vient: un pays d'europe occidentale avec ses valeurs, ses modes de vis (sic), ses traditions.: C'est à lui de s'adapter de faire l'effort de s'intégrer et non l'inverse" pour enchaîner : " "Il faut réaffirmer un principe fondamental. L’étranger qui vient doit s’adapter aux coutumes locales. Et pas l’inverse. S’adapter ad vitam aeternam à celui qui vient sous prétexte qu’il faut être multiculturel non. Nous pensons que c’est là un facteur de délitement social." Conclusion : pour lui, par exemple, le voile doit être interdit, non seulement dans les écoles et les administrations, mais dans les Parlements et les entreprises. Je suppose que l'interdiction dans la rue suivra dans quelques années. Note : le PP dit s'inspirer, à ce sujet, de l'égalité hommes-femmes, ce qui nous convaincrait mieux si ce thème apparaissait ailleurs dans son manifeste ... qui ne lui consacre pas un mot.

Petit commentaire à ce sujet :

1. Je dois donner raison à Maître Modrikamen, ayant moi-même constaté des pratiques inadmissibles. Par exemple, à plusieurs reprises, au Togo et au Sénégal, j'ai constaté que des immigrés ne font absolument aucun effort pour s'adapter. Ainsi, ils s'enferment dans des quartiers qui leur sont réservés, alors que leurs moyens leur permettraient sans aucun problème de loger dans les cités indigènes. Ils installent des gardes devant leurs demeures, ce qui ne fait pas du tout partie du mode de vie local. Ils s'obstinent à rouler dans des voitures flambant neuves alors que les moeurs locales sont de circuler dans de vieux clous invraisemblables, de s'entasser à trois sur d'antiques mobylettes, de s'empiler dans (et sur) des autobus antiques ou - le plus répandu - d'aller à pied. Quant à leur tenue, elle ne témoigne d'aucun respect des usages locaux. Au contraire, ces immigrés veulent influencer - un comble - les usages du pays d'accueil, puisqu'on constate une pression indéniable pour amener certains africains à adopter le veston-cravate à l'européenne s'ils veulent être engagés dans un bureau.
Je suppose que Maître Modrikamen trouve, comme moi, ces comportements inadminissibles et les dénoncera plus explicitement dès qu'il en aura le temps.

2. Je propose à Maître Modrikamen le petit exercice suivant.
En fonction d'accords gouvernementaux dont il ne sait rien, être chargé à bord d'un navire, débarqué dans un pays infiniment moins agréable que son pays d'origine, employé, le plus souvent pour un salaire très bas, dans des branches où les habitants autochtones ne veulent plus travailler. Apprendre à son détriment que les branches en question étaient en fait condamnées, que les entreprises qui s'y consacrent ferment, se retrouver au chômage, et en plus se le faire reprocher. Vivre dans les quartiers dont les autres habitants ne veulent plus. Constater que ses enfants et petits-enfants, même deux générations après l'arrivée de leur père ou grand-père et ayant la nationalité locale, sont toujours appelés "immigrés" dans les textes de certains politiciens. Se faire contrôler trois fois plus par les policiers que les autres habitants ( cf. la Libre '"Les Marocains ont été en moyenne contrôlés trois fois plus par la police et dans presque tous les cas, ils ont été fouillés ou leur voiture a été examinée. " ).
Et après avoir encaissé tout cela, se faire reprocher de ne rien faire pour s'intégrer.

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Mots-clef : parti populaire, modrikamen, droite, populisme, immigration, sécuritaire

lundi 21 décembre 2009

Café De La Rue : Demandez Le Programme !


Faut-il rappeler que le Café de la Rue est l'un des plus charmants et des plus originaux lieux de spectacle de Bruxelles ? L'un des plus chargés d'histoire aussi, car cet authentique café brusseleer sis à Meulebeîke - pardon, Molenbeek - n'est pas construit d'hier.

Le Café était connu pour ses spectacles de chanson, il diversifie ses activités, puisque, en plus, son programme des prochaines semaines comporte, bien sûr un réveillon, mais aussi des contes et une séance de dédicace (oui, Bruno Brel s'est fait scénariste de BD - après tout, le Diable s'est bien fait ermite). Et où trouve-t-on ce programme ? Ben, ici, c'est pas loin...

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Mots-clef : café de la rue, chanson, spectacle, Bruxelles, réveillon

"Nous Ne Réclamons Que Nos Terres Ancestrales"


Aimeriez-vous vivre dans une cabane au bord d'une autoroute ? Sans eau courante, sans terre, sans école ?
C'est le sort de communautés indiennes du Paraguay, pays d'Amérique Latine voisin du Brésil, de l'Argentine et de la Bolivie. Leurs membres vivaient de leurs activités traditionnelles, chasse, pêche et apiculture. Leurs terres ont été attribuées à des propriétaires terriens. Les Indiens (Sawhoyamaxa et Yakye Axa) ont été déplacées vers le Nord. C'était en 1988.

La vie dans le Nord s'est avérée impossible. Sawhoyamaxa et Yakye Axa sont retournés s'installer à proximité de leurs terres traditionnelles. Ils ont introduit tous les recours nationaux possibles, sans succès. Néanmoins, ils continuent à revendiquer la reconnaissance juridique de leurs droits sur une partie de la terre de leurs ancêtres. Ces personnes vivent dans des conditions inacceptables. Sans infrastructure médicale, ce qui a entraîné de nombreux décès. Sans école, ce qui condamne les enfants à la misère et à l'exclusion. Sans eau courante - il faut faire plus de 10 kilomètres pour en ramener -. En 2005, la Cour interaméricaine des droits de l'homme a ordonné à l'Etat paraguayen de restituer les terres aux Indiens. Les trois ans de délai accordés par la Cour se sont passés, rien n'a changé. Le Congrès a rejeté un projet de loi qui aurait concrétisé le verdict prononcé par la Cour.

Ce n'est pas la seule attaque lancée contre les droits des communautés indiennes au Paraguay. Amnesty International a lancé une campagne pour répondre aux demandes des Sawhoyamaxa et Yakye Axa. Vous trouverez ici bien plus de détails, et les possibilités de venir en aide à ces populations. L'espoir, pour elles, ne peut plus venir que du soutien extérieur.

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Mots-clef : Paraguay, indiens, expulsions, amnesty international, droits humains

vendredi 4 décembre 2009

Voile, LCR et MDF : Deuxième Service !



Première précision : si vous ne vous intéressez pas aux rapports entre marxistes et islam, les lignes qui suivent vous feront bâiller...

L'article critiquant le soutien de la Ligue Communiste Révolutionnaire au MDF à propos du voile dit islamique a suscité quelques réactions, certaines en commentaire, d'autres par message privé. Celle envoyée par D. Tanuro étant exemplaire et émanant d'un dirigeant aguerri, j'y réponds ici, en en citant des extraits en italiques (j'espère ne pas me tromper, ayant reçu trois versions successives). Le sujet est assez vaste pour justifier un article plutôt qu'un commentaire de ma part. Cette réaction figure sous l'article original, je la reproduis au complet ci-dessous pour la clarté de la chose.

Mon texte traduirait "une vision extrêmement pessimiste sur la situation sociale, et surtout un jugement a priori sur l'impossibilité de faire bouger les lignes par la mobilisation".

Un bilan des 30 dernières années n'est pas exactement un jugement a priori. Merci de m'indiquer les avancées importantes obtenues par la gauche radicale à part dans les domaines éthiques (où elle était pour le moins loin d'être seule à se battre pour ces objectifs).

"Or, qu'est-ce que le MDF?"

J'interromps Daniel un instant : c'est entre autres choses le groupe qui a mis 100 personnes sur les marches de la Bourse le 11 novembre et qui donc va "faire bouger les lignes par la mobilisation", plus efficacement par exemple que les grèves et la manif de 80 à 100.000 personnes contre le "pacte entre les générations". (Je compte 100 personnes sur l'image ci-contre, prise en plan très large au plus fort de la manifestation. La LCR annonce "plus de 400 personnes". Les Saint Thomas consulteront avec profit les rares plans larges des vidéos).

"Essentiellement un mouvement dirigé par un groupe non-mixte de jeunes
femmes et filles issues de l'immigration, portant le foulard ou non, et qui
veulent se battre, elles-mêmes, à la fois contre l'interdiction ET contre
l'obligation. La gauche devrait y voir une bouffée d'air frais, une preuve
que le pouvoir patriarcal peut être contesté de l'intérieur de la
communauté, un frémissement prometteur de nouvelles convergences amenant
les questions sociales au devant de la scène. Mais Tom n'envisage même pas
cette possibilité. Pour lui, elle semble tout simplement ne pas exister. On
aimerait savoir pourquoi"
.

Il existe un truc secret fabuleux pour le savoir, c'est de lire (correctement) l'article. Et d'autres du blog, comme les deux articles "les mauvais arguments...". J'y reviens en bref plus bas.

En ce qui concerne "les questions sociales sur le devant de la scène" : sur le "mur" Facebook du MDF, qui est actuellement son seul site et forum, il ne se trouve pas un seul mot concernant d'autres questions sociales que le voile, la défense de la burka et du burkini, la photo fièrement exhibée d'une gamine de trois ou quatre ans déjà coiffée d'un foulard, des phrases telles que : "...banir le voile pour libérer la femme ! La libérer de quoi ? De sa croyance en DIEU ?". Je ne vois pas le pouvoir des autorités patriarcales y être le moins du monde contesté. En fait de lutte contre l'obligation, les slogans et l'appel du MDF ne font même pas mention du fait que le voile n'est pas une obligation coranique. La formule "Ni interdiction ni obligation" est parfaitement creuse, puisque l'obligation n'existe pas en Belgique - elle n'existe que dans certains Etats musulmans - . Même le plus extrémiste des imams ne parle pas, en Occident, d'imposer une obligation : il se contentera de dire qu'il y a un prescrit religieux pour les musulmanes - ce qui est faux - et que celle qui ne la respecte pas n'est plus musulmane. Elle est donc en pratique totalement exclue de la communauté.

Sur le "pouvoir des autorités patriarcales contesté de l'intérieur de la communauté", j'ai beaucoup écrit, y compris dans d'autres articles et réponses à des commentaires, je ne vais pas répéter en détail ici que cette contestation existe, qu'elle a tout mon soutien, infinitésimal mais sincère, et que la LCR et le MDF se retrouvent dans l'autre camp.
Je reste interloqué par ailleurs quand je lis sur le tract de la LCR distribué au rassemblement du 11 novembre : "Nous sommes résolument contre l’interdiction du foulard à l’école comme nous sommes contre les Etats qui forcent les femmes à porter le foulard ou la Burqa comme en Iran ou au Soudan." Quel confort ! On critique, quelle audace, l'Iran et le Soudan. Pas même un mot sur les pressions exercées sur les femmes de l'immigration à Bruxelles ou à Paris !

"Est-il inconcevable que des jeunes filles victimes du racisme et de l'autoritarisme patriarcal secouent à la fois ces deux jougs?"

Si c'est dans le cadre de dynamiques comme celles représentées par le MDF (et donc la LCR), oui, totalement inconcevable, et cela à la lueur de l'expérience. Je reprends ma réponse au commentaire de Guy Van Sinoy, "Je ne peux pas me répéter encore, sauf rappeler que "Ni interdiction ni obligation" est un slogan parfaitement inapplicable, l'expérience a prouvé cent fois en France comme en Belgique que là où il n'y a pas interdiction dans les écoles, il y a obligation imposée par les garçons et les professeurs de religion. Ceux qui brandissent ce slogan peuvent-ils encore l'ignorer ? Cela me paraît difficile à croire."

La formule "Ni interdiction ni obligation" me ravira dès que l'on aura montré qu'elle est applicable. La conclusion générale de gens qui ont tenté de la soutenir est qu'elle ne l'est pas, que ce soit le Centre d'Action Laïque - qui aurait voulu y croire -, les directrices des écoles d'Anvers, qui ont longuement tenté de l'appliquer, le SPEDEN, association des chefs d'établissements scolaires de France, le directeur adjoint du Centre pour l'Egalité des Chances etc... C'est parce qu'elle s'est avérée inapplicable, c'est parce qu'elle donne le champ libre à une oppression, que le mouvement pour l'interdiction touche aujourd'hui tant de personnes. Et l'hypocrisie qui consiste à faire semblant de ne pas savoir que cette formule couvre en réalité la pression et la violence à l'égard de jeunes filles, commence à m'échauffer les oreilles. On ne secoue pas un joug en en renforçant le poids. Par ailleurs, encore une fois, l'absence de loi favorise la ghettoïsation des dernières écoles qui acceptent le port du voile, ghettoïsation qu'en pratique le MDF aboutit donc à soutenir.

"Alors que la double dimension de leur combat est le gage d'une dynamique émancipatrice,..."

Je ne vois pas de double dimension. Je vois un trompe-l'oeil, qui fait par exemple qu'on nous présente dans La Gauche comme anticapitaliste (sous le titre "Balayer l’écran de fumée sur la rentrée antisociale. Ensemble contre le capitalisme, le racisme et le sexisme") une interview qui pourtant ne porte que sur le voile, qui ne contient rien d'anticapitaliste, et dont l'interviewée précise sur un autre site que la "signification profonde du port du foulard n’est pas un simple signe, il s’agit véritablement de l’expression d’une certaine forme de pudeur et d’une dignité pour ces jeunes filles, selon les références musulmanes". Dynamique émancipatrice ?
Cette foi dans une "double dimension" et dans les "nouvelles convergences" me rappelle un peu Vittorio Ambrosini, dirigeant du PC italien dans les années '20, qui écrivait : « Politiquement je me retrouve dans Lénine et Mussolini, c'est à dire dans l'un et dans l'autre pour l'esprit révolutionnaire que tous deux ont et je pense que des deux doit venir la synthèse de la nouvelle vie politique et sociale » (je ne compare pas pour autant Daniel à Ambrosini ;-) ).

"...Tom leur donne des leçons de féminisme. Quel paternalisme !".

Mes "leçons de féminisme" consistent en citations et en exemples émanant de très nombreuses militantes féministes, y compris musulmanes - auxquelles Daniel Tanuro donne des leçons de féminisme. Quel paternalisme ! -.
Cela dit, à propos de féminisme, la LCR tout comme le texte de Daniel Tanuro ne s'en soucient guère ici, puisque une fois de plus pas un mot ne fait allusion aux pressions et violences envers des fillettes et jeunes filles, ce qui est la raison d'être et la colonne vertébrale de tout ce que j'écris à ce sujet, et de la lutte pour l'interdiction des signes religieux ostentatoires à l'école.

"Les anciens combattants de la gauche tendent à voir toute mobilisation populaire non classique sous l'angle de ses dangers potentiels pour «l'héritage de 68 » dans le domaine des moeurs. Lors de la Marche Blanche, la plupart d'entre eux se sont rangés aux côtés de l'Etat bourgeois et des
médias, parce que le soulèvement populaire, selon eux, allait se
transformer en vague populiste sécuritaire et puritaine. Ce risque n'était
pas illusoire, mais il ne s'est pas concrétisé. Pourquoi ? Parce que des
gens intelligents et sensibles, qui ne raisonnaient pas à partir des
schémas d?une époque révolue, ou de citations, mais à partir des
contradictions de terrain, ont su orienter la mobilisation CONTRE l'Etat,
lui donnant un sens progressiste, anti-raciste, anti-sécuritaire et
démocratique. Tom n'a pas compris la leçon.
".

L'exemple est en effet à méditer. Voilà pour les besoins de la cause le Mouvement Blanc qualifié de "mobilisation CONTRE l'Etat". En réalité, on a eu une chance immense que des victimes comme par exemple les parents Russo étaient des progressistes admirables, qui ont lutté contre les déviations déjà à l'oeuvre. La principale revendication claire de ce mouvement (qui n'avait pas de direction désignée, qui était un état de fait qui n'a pas duré très longtemps, et qu'on doit bien juger sur ses fruits) était une humanisation/modernisation de la justice en ce qui concerne les victimes, revendication sympathique, justifiée et digne, mais pas plus anticapitaliste que dirigée "CONTRE l'Etat". Cela ne rend pas progressiste, hostile à l'Etat bourgeois et anti-sécuritaire un mouvement qui a fait restreindre les libérations conditionnelles, fait régner la suspicion, entraîné un crédit aux accusations débouchant sur des mises en cause publiques injustifiées de plusieurs personnalités pour pédophilie ou inceste, fait ouvrir une ligne téléphonique 0800 pour permettre de signaler tout fait suspect aux enquêteurs, adulé le libéral de droite Verwilghen, fait régresser le travail thérapeutique envers les criminels sexuels, paralysé les enseignants qui n'osaient plus poser la main sur l'épaule d'un élève ou aider un petit à se changer, et obsédé l'opinion publique en exigeant qu'on démasque des réseaux criminels dont on n'a jamais trouvé trace et dont on ne parle plus (ça, c'est détourner l'attention des questions sociales ! ). Dans ma rue, la seule présence du Mouvement Blanc, ce fut une pétition signée de porte en porte pour le rétablissement de la peine de mort (quand je refusai de la signer, l'une de mes voisines me dit d'un ton indigné : "Mais alors, vous êtes contre Julie et Melissa ! ").

"L'émancipation des opprimés découle de l'action collective contre l'oppression."

Où est ici l'action contre l'oppression ? Je n'en trouve rien dans le MDF sauf la défense du voile, c'est à dire la défense d'une oppression. Le faux nez qu'était le refinancement de l'enseignement n'apparaît absolument plus. Nul doute que pour replâtrer la façade l'un ou l'autre dirigeant pondra vite un paragraphe le rappelant, mais il est clair, aux propos tenus sur le mur du mouvement et aux slogans repris inlassablement le 11, que c'est un maquillage. A propos, si le souci envers l'enseignement est si sincère, comment se fait-il qu'on trouve sur le site LCR un nouveau texte de soutien au MDF (le 24 novembre), mais pas un mot sur les actions entreprises par la FEF pour une diminution du coût des études ? C'est cela, être proche du mouvement des masses ?

"Au plus cette action va en profondeur dans les couches exploitées, opprimées et méprisées par la société bourgeoise, au plus elle
charrie d'éléments idéologiques contradictoires, surprenants, voire
potentiellement dangereux. Une chose est de les combattre dans la propagande,
"

Où la LCR les combat-elle dans sa propagande ? Où sont les efforts, clairs, explicites, soutenus, pour expliquer que l'influence des milieux islamistes mène à des impasses réactionnaires ?

"...autre chose est de s'orienter dans l'action. Pour cela, il s'agit dans chaque cas de faire l'analyse concrète de la situation concrète. "

Je serais donc ravi de connaître l'analyse concrète de la LCR sur des questions concrètes telles que le droit de refuser à sa fille de suivre des cours de gymnastique ou de natation, ou de partir en voyage scolaire avec des garçons, ou la revendication d'une place pour le créationnisme à l'école (doctrine populaire parmi les évangéliques et de plus en plus chez les musulmans - enseigner la théorie de l'évolution serait donc une atteinte à la liberté de religion ?), ou la reconnaissance de la compétence de tribunaux islamiques dans les rapports familiaux, à l'image de ce qui est désormais le cas en Grande-Bretagne.

"Les citations peuvent aider, quand on les confronte au terrain".

Je cherche en vain une confrontation au terrain. Je ne vois que des hypothèses qu'aucune expérience n'appuie. Mon texte retrace l'expérience négative de la Grande-Bretagne, où la gauche radicale est parvenue à conforter ses ennemis. Je n'en trouve pas trace dans les réflexions publiques de la LCR. J'attends aussi, question d'analyse concrète d'une situation concrète, un bilan de la politique suivie en la matière par la LCR française puis le NPA. Car si des enseignants de la LCR et non des moindres avaient d'abord soutenu activement l'interdiction, voilà plus de cinq ans que la ligne est l'absurde (car inapplicable) "ni loi ni voile". A-t-on vu fleurir les "convergences" qu'on nous annonce en Belgique à propos du MDF ? Ou le NPA reste-t-il un étranger dans des milieux où les disponibilités militantes sont monopolisées par des organisations musulmanes ou des mouvements communautaristes tels les Indigènes de la République ?
Par ailleurs, le mouvement français de protestation contre la loi foulard-école s'est essoufflé bien plus vite que ses promoteurs s'y attendaient.

"Il faut juger le MDF en allant voir les réunions du MDF, en discutant avec les filles du MDF et en menant l'action avec le MDF contre l'interdiction ET l'obligation."

Il faudrait juger un mouvement en le soutenant ! Je pensais qu'on jugeait avant de soutenir, le cas échéant en s'appuyant sur les expériences menées dans d'autres pays. Entre parenthèses, je ne juge pas ce qui vit dans l'immigration en discutant avec seulement quelques personnes d'un même mouvement. Et je repose ma question sur le manque total d'intérêt de la LCR vis à vis par exemple d'un mouvement féministe de femmes arabes comme l'AWSA (auquel la LCR ne peut même pas reprocher de soutenir l'interdiction, que l'AWSA ne mentionne pas).

"C'est plus difficile, en particulier, que d'encourager des politiciens néolibéraux à voter une loi qui flatte la xénophobie et détourne des problèmes de la crise."

Certains de ceux qui soutiendront la loi flattent la xénophobie. J'en sais quelque chose, ce sont ceux qui me traitent d'islamophile et m'accusent d'écrire "sous la dictée des fous de Dieu" à cause de ce que j'écris à propos des musulmans sur ce blog et dans d'autres forums. La seule conclusion est qu'il faut continuer, y compris dans les lieux où l'on soutient la loi, à dénoncer les mensonges xénophobes. Vu qu'apparemment mes contradicteurs ont parfois des lectures très sélectives, je leur signale que c'est ce que font une bonne part des articles présents ici.
Mais c'est ridicule de formuler les choses comme s'il n'y avait que des libéraux (qui ne sont d'ailleurs pas nécessairement tous xénophobes) à soutenir l'interdiction , il y a des gens de tous les partis - y compris, comme Daniel le sait probablement bien, de la LCR - . De même, certains des libéraux qui ont voté jadis la dépénalisation partielle de l'avortement l'ont certainement fait simplement pour embêter les curés et en se souciant peu du sort des femmes, sans aucune intention de défendre par exemple l'égalité salariale. Etait-ce une raison pour combattre la dépénalisation ? Mais c'est un peu comique de lire qu'il serait condamnable de recourir à une loi parce que c'est "recourir à l'Etat bourgeois". Toute loi ne pouvant émaner que de celui-ci, il faudrait alors rejeter la dépénalisation partielle de l'IVG, les lois antiracistes, et l'indexation des salaires.

Je suis aussi frappé par l'absence, dans le discours de la LCR, de propositions qu'elle pourrait soutenir. Par exemple un cours de philosophie et d'histoire dans lequel les élèves issus de différentes cultures apprendraient à estimer celle de l'autre. Tous, y compris ceux venus de l'immigration y apprendraient les apports des Lumières, des Droits Humains, des théoriciens socialistes. Tous, y compris ceux non venus de l'immigration, y apprendraient que "les Arabes" ne sont pas des incultes arriérés, mais qu'on leur doit des contributions majeures à la philosophie et à la science, et aussi que l'immigration n'est pas une invasion, mais quelque chose que nos gouvernements ont demandé, et obtenu via une série d'accords dans les années '60. Cela ferait reculer le : "On ne leur a pas demandé de venir ! ".

Enfin, en matière de débat, j'ai fait remarquer à un autre dirigeant de la LCR que j'avais placé sur ce blog des liens vers les pages de la LCR, du MDF, vers les vidéos diffusées par le MDF, et bien sûr ouvert les commentaires de ce blog aux militants de la LCR. Je suggérais donc à la LCR et à La Gauche de faire preuve d'autant de sens démocratique, et de placer un lien vers mon article. Mieux encore, bien sûr, la LCR pouvait reproduire mon article, ce qui lui aurait permis d'ouvrir un espace de débat, à l'instar de Solidaire. Je n'ai pas reçu de réponse.

**********************
Le texte de Daniel Tanuro :
Le débat de fond ne porte pas sur la religion mais sur la conjoncture et
sur les tâches des anticapitalistes. L'idée clé de Tom est en effet
contenue dans le § "les lendemains qui déchantent". En résumé: a) les
progrès dans l'émancipation des femmes constituent le seul acquis d?une
gauche qui n'est que l'ombre d'elle-même; b) cet acquis est menacé par les
religions, notamment une version de l'islam qui impose le foulard; c) la
gauche est à ce point en déconfiture que, au lieu de lutter contre ce
péril, certaines de ses fractions, sous couvert d'antiracisme, nouent des
alliances contre-nature sur le dos des femmes et des homesexuel-le-s; d) il
ne reste plus d'autre issue que d'appeler l'Etat bourgeois à la rescousse,
en commençant par interdire le port du voile à l'école.

On a ici une vision extrêmement pessimiste sur la situation sociale,
couplée à un jugement a priori sur l'impossibilité de faire bouger les
lignes par la mobilisation. Or, qu'est-ce que le MDF? Un mouvement dirigé
par un groupe non-mixte de jeunes femmes issues de l'immigration, portant
le foulard ou non, et qui veulent se battre, elles-mêmes, à la fois contre
l'interdiction ET contre l'obligation. La gauche devrait y voir une bouffée
d'air frais, une preuve que le pouvoir patriarcal peut être contesté de
l'intérieur de la communauté, un frémissement prometteur de convergences
amenant les questions sociales au devant de la scène. Mais Tom n'envisage
même pas cette possibilité. Pour lui, elle semble tout simplement ne pas
exister. On aimerait savoir pourquoi. Est-il inconcevable que des jeunes
filles victimes du racisme et de l'autoritarisme patriarcal secouent à la
fois ces deux jougs? Est-il surprenant qu'elles le fassent à partir de la
question du foulard, lieu géométrique des pressions auxquelles elles sont
soumises? Alors que la double dimension de leur combat est le gage d?une
dynamique émancipatrice, Tom leur donne des leçons de féminisme. Quel
paternalisme!

Les anciens combattants de la gauche tendent à voir toute mobilisation
populaire non classique sous l'angle de ses dangers potentiels pour «
l'héritage de 68 » dans le domaine des moeurs. Lors de la Marche Blanche,
la plupart d'entre eux se sont rangés aux côtés de l'Etat bourgeois et des
médias, parce que le soulèvement populaire, selon eux, allait se
transformer en vague populiste sécuritaire et puritaine. Ce risque n'était
pas illusoire, mais il ne s'est pas concrétisé. Pourquoi ? Parce que des
gens intelligents et sensibles, qui ne raisonnaient pas à partir des
schémas d?une époque révolue, ou de citations, mais à partir des
contradictions de terrain, ont su orienter la mobilisation CONTRE l'Etat,
lui donnant un sens progressiste, anti-raciste, anti-sécuritaire et
démocratique. Tom n'a pas compris la leçon.
L'émancipation des opprimés découle de l'action collective contre
l'oppression. Au plus cette action va en profondeur dans les couches
exploitées, opprimées et méprisées par la société bourgeoise, au plus elle
charrie d'éléments idéologiques contradictoires, surprenants, voire
potentiellement dangereux. On doit les combattre par la propagande, mais
surtout les dépasser par l'action. Pour cela, il s'agit dans chaque cas de
faire l'analyse concrète de la situation concrète. Les citations peuvent
aider, quand on les confronte au terrain. Je conseille à Tom de méditer
celle-ci: "Grise est la théorie, vert est l'arbre de la vie" (Hegel). Il
faut juger le MDF en allant voir les réunions du MDF, en discutant avec les
filles du MDF et en menant l'action avec le MDF contre l'interdiction ET
l'obligation. Ce n'est pas facile. C'est plus difficile, en particulier,
que d'encourager des politiciens néolibéraux à voter une loi qui flatte la
xénophobie et détourne des problèmes de la crise. Mais c'est la seule
politique digne de la gauche. Parce qu'elle met les victimes en mouvement
contre tous les oppresseurs.


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Mots-clef : islam, marxisme, femmes, enseignement, voile, foulard