lundi 29 octobre 2007
20.000 dB Sous Les Mers
On n'imagine plus entretenir notre forme physique sans l'aide des nouvelles technologies. Courir dans la forêt en écoutant le vent et les oiseaux est d'un grotesque achevé, alors qu'on peut, en améliorant ses mollets, endommager ses tympans grâce à un iPod. Ou recourir au Sony S2 Sports Walkman, qui surveille votre foulée, et change immédiatement de morceau si vous changez le rythme de votre course, question de vous fournir sur-le-champ une musique au tempo assorti.
Vous écoutiez un solo sublime de Clapton, un texte fabuleux de Gainsbourg ? Coupé ! Fallait pas ralentir ! Et pédaler n'a pas de sens sans un dispositif vous informant du nombre de calories brûlées et de l'évolution, seconde par seconde, de votre indice de masse corporelle (qui doit en fait, généralement, être mesuré … une fois par semaine).
Mais voici mieux : le SwiMP3 ! Ecouter de la musique plongé dans l'eau était jusqu'à présent impossible . Face à ce défi, la firme Finis utilise la conduction osseuse : son lecteur - étanche - de musique est placé sur le crâne, il fait vibrer l'oreille interne et presto ! Pascal Obispo vous accompagne dans les profondeurs (certains souhaiteront qu'il y reste).
On peut comprendre que des athlètes s'entraînant en piscine au fil de longues heures apprécient le soutien d'une musique, encore qu'elle sera certainement nocive pour leur concentration. Las, le SwiMP3 risque fort de servir à un autre usage. Au lieu de s'immerger dans le silence du monde sous-marin, on dénaturera l'essence de cet univers en le visitant le crâne vibrant de techno (avant de faire hurler le moteur de son Jetski et de vriller le calme de toute une baie à soi tout seul).
Pas de raison de s'arrêter là. Les progrès de la miniaturisation nous préparent certainement des masques de plongée avec lecteur vidéo intégré. Bien sûr, le plongeur ne verra plus ce qui l'environne, ce qui implique quelques risques (rencontres avec un oursin, un récif, un requin, un paquebot) ; il vaudra donc mieux pratiquer la plongée sous-marine dans de vastes conteneurs sans danger. Si l'on conjugue le VidéoMask (marque que nous déposons de ce pas) et la projection d'un film dû au Commandant Cousteau, l'utilisateur aura l'impression de participer à d'instructives aventures sous-marines - et pendant ce temps il fichera la paix aux coraux -.
Mots-clef : technologie, environnement, mp3, plongée
mercredi 10 octobre 2007
Ecole et Voile Islamique : Pétition
Une pétition qui se justifie (citons) : “Parce qu’une question comme celle du port de signes religieux à l’école, qui concerne la manière dont se conçoit l’enseignement bénéficiant de subsides publics, ne peut être laissée à la responsabilité exclusive des chefs d’établissements”. D’autres extraits suivent plus bas, et le texte complet est publié ici ;
J’ai vu cette pétition se heurter à diverses objections que je résume (en grasses) et auxquelles j’ai été amené à répondre.
“On y utilise une vieille technique : dénoncer des dérives extrêmes (ici, la poussée des thèses créationnistes, entre autres) pour s’en prendre à un ensemble (ici, implicitement, l’existence d’un réseau d’enseignement confessionnel subsidié).”
a) Ce ne sont pas des dérives extrêmes. Et le prétendre relève justement de la technique argumentative fallacieuse.
L’une de mes amies est enseignante dans le centre de Bruxelles, elle se heurte à ce genre de problèmes de façon récurrente, notamment quand des élèves refusent ...
d’assister à des cours de bio parce que ces cours reposent sur l’hypothése évolutionniste. La même copine a connu des problèmes parce qu’elle avait emmené des élèves voir “La Liste de Schindler” (elle est prof d’histoire) et qu’un professeur de religion musulmane a dit à des élèves de ne pas aller voir “ce film pour les juifs”. Ce genre de pressions se pratique dans une école publique.
b) Le texte ne demande pas la fin de l’existence d’un réseau confessionnel subsidié, il dit “que les établissements bénéficiant de subsides publics n’ont pas à s’organiser en fonction de prescrits, dogmes et autres interdits présentés à tort ou à raison comme religieux, sous peine de voir leur mission première gravement compromise”, ce qui est fort différent. Et qui, en ce qui concerne le voile, ne comporte justement guère de menaces pour le confessionnel subsidié, vu que le voile y est interdit dans pratiquement tous les établissements - malgré les protestations de certains chrétiens qui prônent un “front des croyants” face aux laïques -.
“L’école publique, laïque et républicaine est elle-même empêtrée dans d’insurmontables difficultés quant à la manière de gérer la coexistence en son sein de convictions philosophiques différentes.”
C’est bien pour cela que les initiateurs proposent une ligne de conduite pour l’ensemble de l’école publique.
“L’Etat ne subsidie que l’école publique. Cela a fait émerger en France de puissants centres d’enseignement privé. L’Etat n’a aucun contrôle sur le contenu des cours qui y sont donnés, pas plus que les moyens d’y imposer une mixité sociale. Exemples : des écoles liées à la vieille noblesse ultra-catholique, des écoles coraniques financées par l’Arabie Saoudite, des établissements liés à l’église de scientologie, des écoles privées liées à de grands groupes industriels et financiers.”
Parce que les thèses obscurantistes règnent dans leurs petits espaces privés à elles, faut-il leur ouvrir toutes grandes les portes de l’espace public ?! Et vu que l’Etat n’a pas de contrôle sur ces espaces privés, doit-il renoncer à son rôle dans l’espace public ?! En plus, les établissements privés mentionnés ci-dessus ne touchent qu’une petite fraction de l’enfance. Je ne crois pas qu’il y ait rue Malibran beaucoup d’enfants qui fréquentent l’une quelconque de ces catégories d’écoles. Je ne comprends pas pourquoi on peut prendre prétexte de l’existence de ces écoles privées pour exiger que l’école publique se prête au même genre de pratique qu’elles. C’est comme si on disait “Il y a des partis qui font recette en prônant la xénophobie, donc il ne faut pas leur laisser le monopole de la xénophobie”.
“La pétition mêle le domaine public et le domaine privé. Dans le domaine alimentaire, peut-on imposer des repas scolaires basés sur les traditions occidentales alors que les choix alimentaires sont du domaine individuel, y compris dans les repas de collectivité ? L’Etat n’a pas à juger de la pertinence de tel choix alimentaire individuel. Il faut respecter dans les cantines les choix religieux (pas de porc) et personnels (bio, végétarisme, végétalisme). Et refuser d’accepter les choix alimentaires religieux en acceptant les autres relève de l’intolérance pure et simple, non d’une lutte contre la puissance des appareils religieux ou contre l’affirmation ostensible d’une foi.”
Que demandent les auteurs ?
“qu’à l’école au moins, les jeunes, garçons et filles, aient la possibilité d’expérimenter l’égalité et la mixité dans toute leur richesse émancipatrice ;
parce que l’enfant et l’adolescent sont des consciences en cours d’élaboration qu’il importe de protéger contre toute forme d’endoctrinement ;
parce que l’interdiction des signes ostensibles d’appartenance philosophique ou religieuse à l’école ne dénie en rien aux jeunes le droit à des convictions philosophiques, mais les invite à leur intériorisation et à leur dépassement en vue de s’ouvrir à l’universel de la connaissance ;
parce que nous constatons que de plus en plus de revendications religieuses ou présentées comme telles s’introduisent dans l’espace pédagogique : créationnisme, refus de la mixité, prescrits alimentaires, contestation des contenus mêmes de certains cours (biologie, éducation sexuelle, éducation physique, littérature, etc.)”.
Retenir de tout cela deux mots (”prescrits alimentaires”) c’est accorder une importance soudaine et étrange à la question de l’assiette - si à la cantine de l’Athénée, j’avais dit “M’sieu, je suis végétarien”, j’aurais pu jeûner ou me contenter de l’étique haricot qui n’apparaissait qu’épisodiquement. L’explication est que c’est la seule, parmi celles mentionnées, dont on peut arguer qu’elle est à cheval sur le domaine du privé et celui du public. Toutes les autres doivent, me semblent-il, être clairement reconnues comme relevant de domaines dans lesquels l’institution enseignante publique a un rôle à jouer, un rôle de formation à des valeurs fondamentales.
- Il est tout à fait illusoire de parler de “convictions personnelles” ou de culture là où souvent ce qui parle n’est pas la conviction personnelle mais la pression des parents ou de l’imam. La copine enseignante dont question plus haut écoute un élève qui raconte ses vacances dans sa famille au Maroc. Il en arrive au retour en Belgique “Et on a fait ceci, cela, et mes soeurs ont remis leur voile” “Attends, tu t’es trompé, là, tu voulais dire ‘ont enlevé’ ?” Le garçon la regarde étonné : “Mais non Madame, elles l’ont remis. Au Maroc, elle le portent pas”. Ma copine enquête alors et apprend que beaucoup de filles qui portent le voile ici ne le portent pas dans le pays d’origine de leur famille : là bas on leur fiche la paix. Autant pour l’argument selon lequel le port du voile est une donnée culturelle. Autant pour l’argument selon lequel les filles le portent de leur libre choix.
Pour en revenir à l’alimentation, je doute fort que des directions d’école prennent le risque de servir du porc aux jeunes musulmans de Molenbeek ou de Bruxelles-Centre ! Et je doute tout autant que les mêmes directions accorderaient la moindre attention au végétalien ou au partisan du bio qui exigerait que l’école lui fasse servir un repas conforme à ses options.
- A propos de libre choix, j’ai été longtemps abonné à la lettre d’information d’un site musulman français, oumma.com . On y avait promis de relater tous les multiples cas de révolte de jeunes femmes obligées de ne plus porter le voile à l’école. Je m’attendais à une marée : ils ont eu quatre ou cinq incidents à relater (dont le cas d’une malheureuse qui avait promis de se suicider si on voulait l’obliger à montrer ses cheveux). Puis on a parlé d’autre chose. Il me semble que les jeunes musulmanes ne sont peut-être pas aussi attachées au voile que les religieux qui parlent à leur place le prétendent.
- Autre argument lu et entendu : l’interdiction des signes religieux serait contraire à la liberté constitutionnelle d’exprimer ses convictions. Une chose est le droit d’exprimer ses convictions. Autre chose serait le droit de les exprimer de façon ostentatoire partout et tout le temps. Je suis abonné à la liste d’information “Plate-Forme Flagey”. Si je poste sur cette liste un message engageant à aller à telle église ou à voter pour tel parti, le modérateur va me rappeler à l’ordre, et si je persiste, il va m’exclure. Si je vais dès lors trouver la Ligue des Droits de l’Homme en me plaignant d’une atteinte à mon droit constitutionnel d’exprimer mes opinions, on va hausser les épaules. La liste Flagey n’est pas l’endroit pour exprimer ce genre de choses, son règlement d’ordre intérieur le précise, comme celui de toutes les mailing-lists : pas de messages hors-sujet . L’école n’est pas le lieu pour arborer des idées religieuses (ni d’ailleurs un t-shirt aux armes d’une association pour la défense de la laïcité). Par ailleurs, si l’on considère qu’arborer des insignes religieux à l’école est l’expression normale d’un droit, il faudra reconnaître le même droit à des adolescents qui viendront au cours en chemise jaune et pantalon noir, avec un brassard du Vlaams Belang : la Constitution nous garantit le droit d’exprimer nos convictions politiques.
- Venons-en enfin à l’essentiel : une offensive de fond contre des acquis fondamentaux. Et je constate dans des milieux dits progressistes une fascination - celle de la souris devant le serpent - et une complaisance envers des arguments qui feraient hurler s’ils venaient de Mgr Léonard ou du Père Samuel, mais qui paraissent soudain tellement respectables s’ils émanent de la mosquée. Oui, obliger des femmes à porter un voile est imposer une discrimination et un signe qui les définit comme objet sexuel sans autonomie, oui je hurlerais si j’avais un môme et qu’il intériorisait en classe toute la journée tout ce que le spectacle de filles voilées implique, oui j’en ai marre de ce spectacle de plage où Monsieur parade en slip de bain Dim tandis que Madame suit déguisée en château-fort transpirant (mais là bien sûr la puissance publique n’a pas à intervenir), oui je me pince quand une pétition dans les magasins de mon quartier demande que le bassin municipal soit une partie du temps interdit aux femmes, oui je vois mal comment on peut défendre une discrimination sexuelle sur le plan, non pas seulement vestimentaire, mais philosophique, et défendre en même temps l’idée “A travail égal, salaire égal”, oui nous allons avoir droit à une offensive commune du Front des Croyants (manif commune en 2005 contre l’adoption par des couples homosexuels)… et comme les rares acquis de tous nos efforts militants de dizaines d’années se situent du côté des droits des femmes, ce n’est pas un hasard si la période de reflux actuelle les voit attaquer. A quand un patron musulman expliquant que ses convictions lui interdisent de payer le même salaire à des femmes qu’à des hommes ? Le célèbre imam de Vénissieux prêchait bien que le Coran donne à l’homme le droit de battre sa femme. Le même - reprenant les idées des Talibans - expliquait que les femmes n’ont pas à travailler, parce que cela les expose à l’adultère - ce qui rejoint les considérations imposant le port du voile, ou l’interdiction faite aux filles de suivre les cours de gymnastique ou de natation -. Le chômage d’un côté, l’imam de l’autre : femmes, votre place est à la maison.
- Encore une précision : je n’ai jamais été de ceux pour qui la laïcité est un alpha et un oméga. Je me définis comme “agnostique à hypothèse de travail athée” (Paul Danblon), je déteste les bouffeurs de curé, les Monsieur Homais qui croient savoir tout sur les mystères les plus profonds de l’univers, avec autant de prétention ridicule que le curé, le mollah ou le rabbin qui vous expliquent que tel plat ou telle pratique érotique provoquent la juste colère divine. J’ai cordialement détesté le “Traité d’Athéologie” de M.Onfray, chef d’oeuvre de sectarisme. J’ai appris dans ma vie syndicale à mépriser ces permanents qui préfèrent chanter “A bas la calotte” que l’Internationale, et à qui le mot “laïcité” sert de prétexte à éviter, à tout prix, l’unité des travailleurs dans un Front Commun. (Ne parlons pas de ce décalque de l’Eglise, avec le trafic d’influence remplaçant le trafic d’indulgences, qu’est la franc-maçonnerie). De même, je sais bien que nombre de musulmans ne partagent pas les visées réactionnaires dont s’entoure la croisade (si j’ose dire) pour le voile : faut-il rappeler que l’un des initiateurs de la pétition est président de l’Institut d’Humanisme Musulman, Chemsi Cheref-Khan ?
Mots-clef : voile, islam, école, laïcité.
jeudi 4 octobre 2007
Au Phil du Temps
Le producteur Phil Spector est accusé de meurtre (P.S. : déclaré coupable le 14 avril 2009), et nous n'aurions pas l'idée de vous en parler, si à l'occasion de ce procès-fleuve, quelqu'un - béni soit-il - n'avait eu l'idée de réunir sur le site du "Monde" une mini-anthologie filmée des hits géants signés par ce génie de la production.
Neuf titres illustrés par des vidéos ultra-datées : "Spanish Harlem" (Ben E. King, 1961), "Be my Baby" (The Ronettes, 1963), "Da Doo Ron Ron" (The Crystals, 1963), "You've lost that lovin' feeling" (The Righteous Brothers, 1964), "River Deep, Mountain High" (Ike and Tina Turner, 1966), "Let it be" (Beatles, 1969), "Instant Karma" (John Lennon, 1970), "My Sweet Lord" (George Harrison, 1970), "Baby I love you" (The Ramones, 1980). Encaisser Tina Turner après les Ronettes et les Crystals, c'est mordre dans un piment après avoir sucé des bonbons ! A part les Ramones, commettant leur punkitude douteuse dans une guimauve sans intérêt, et les images gentillettes sans plus de "Let It Be", tout est bon (Harrison n'est pas une bête de scène, mais sa sincérité émeut). Quant aux images et aux voix des filles blacks (Ronettes, Crystals, Tina), elles sont fa-bu-leuses !
Mots-clef : phil spector, turner, crystals, ronettes, george harrison, sixties, musique, rock .