dimanche 4 juin 2017

"La" Pilule Au Pilori ? (vidéo)

"Ringarde, la pilule ?" a titré tout récemment Le Vif.  "De plus en plus de femmes rejetteraient le "côté chimique" de la pilule. Elles souhaitent des moyens contraceptifs alternatifs et sans hormones, "naturels"", écrit la rédactrice, pour qui cette vague est à rapprocher de la montée du bio. C'est parfaitement possible, mais on peut aussi la mettre en parallèle avec la remise en question montante du droit à l'IVG, avec la célébration de la famille traditionnelle via les défilés de la "Manif Pour Tous", avec le développement d'une mentalité anti-médicale et a-scientifique (les vaccins tuent, le lait est cancérigène...), sous couleur de bio, de "naturopathie", d'un anticapitalisme vague et populiste, du retour de vieilles vessies déguisées en lanternes modernes , ou avec une certaine vision du féminisme. Une mienne amie écrit : "Que les médecins soient plus à l'écoute des patientes en ce qui concerne non seulement les effets secondaires, mais l'adhésion au type de contraception, c'est nécessaire. Mais quand je vois des féministes qui prétendent militer pour que "la femme retrouve la maîtrise de son corps" et qui vantent les méthodes "naturelles" qui ne sont que la méthode Ogino avec un bel emballage, j'ai envie de mordre".
Dans ce contexte, la vidéo publiée par FranceInfo avec hélas beaucoup de succès est un exemple de contre-information et d'irresponsabilité. 

 


La suite :

1. Le texte d'intro vise déjà à influencer la spectatrice : "Depuis que vous prenez la pilule, vous ne vous sentez pas un peu... bizarre ? C'est normal, c'est dû à ses effets secondaires...". Déontologie = ???

2. J'ai connu le temps où l'accès à la contraception était difficile et, pour les filles de moins de 21 ans, souvent clandestin et/ou réprouvé. Si l'on parle de dépression, j'aimerais que l'on rappelle l'angoisse obsédante et les difficultés psychologiques et relationnelles que cette situation provoquait. Et faut-il rappeler que l'absence de contraception se paie souvent de grossesses non désirées, hautement dépressogènes ?

3. Cette vidéo est pleine de confusions.

- Elle parle de "la" pilule, alors qu'il en existe de nombreux types de composition différente.

- "Le patch, le stérilet ou l'anneau vaginal augmentent encore plus les risques de dépression". ??? Si l'on fait une recherche sur "stérilet dépression", on trouve encore et encore la même marque (Mirena) et des témoignages de femmes qui ont changé de marque ou de contraception  et sont contentes de l'avoir fait. La vidéo met dans le même sac stérilet hormonal et non hormonal.

- En fait, elle remet en cause toute réelle contraception, dépassant les conclusions des études qu'elle cite. Ce n'est pas un hasard par les temps qui courent, voir cet excellent article.

- On pourrait aussi rappeler que le stérilet diminue notablement les risques de cancer du col de l'utérus (et un cancer cause souvent une dépression, ce qui n'est pas son pire désavantage).

- "Ils découvrent alors une corrélation". Mais une corrélation n'est pas un lien de causalité. Deux événements peuvent survenir en même temps sans être du tout liés. Une vidéo anti-vaccin ("Silence, on vaccine") s'ouvre sur une corrélation impressionnante : dans une ville des U.S.A. où s'était déroulée une campagne de vaccination, on a constaté quelques années plus tard une augmentation frappante du nombre d'autistes. En réalité, il n'y avait aucun rapport de causalité entre vaccin et autisme, ni entre cette campagne de vaccination et l'autisme, mais les critères du diagnostic de l'autisme avaient été élargis aux Etats-Unis et les efforts de détection avaient été augmentés, donc le nombre d'autistes diagnostiqués avait augmenté, dans cette ville comme ailleurs. De même, la dépression est plus fréquente chez les homosexuels, mais ce n'est pas l'homosexualité en soi qui la provoque, c'est le statut encore négatif de l'homosexualité dans la société, et le sentiment d'inadéquation que ce statut entraîne.

- "Celles qui prennent la pilule (toutes donc ???) constatent une baisse de leur qualité de vie : mauvaise humeur, manque de contrôle de soi et d'énergie"  - ce qui, scientifiquement, ne suffit pas pour parler d'une dépression. Une dépression est correctement définie comme "Toujours dominée par un état chronique de profonde tristesse et de détresse, elle s'accompagne d' anxiété, d'impression d'impuissance globale et d'inéluctable fatalité, de sentiment aigu de solitude, souvent avec une baisse de la capacité de concentration. Non traitée, elle peut induire un comportement suicidaire".

- "Le but de l'étude n'était pas de prouver un lien de cause à effet et de nouveaux tests devraient avoir lieu pour confirmer ou infirmer le résultat" (Atlantico ).
"Il est important de souligner que cette étude, comme toutes les études réalisées à ce sujet, ne démontre pas une relation de cause à effet mais une corrélation entre la contraception hormonale et la dépression. Contactée par Slate.fr, Lisa Welling, psychologue à l’Université d’Oakland et spécialiste dans l’impact des hormones sur le comportement humain, remarque que la prise d'une contraception hormonale peut aussi aider les femmes souffrant des troubles d’humeur liés au cycle menstruel. Elle rappelle également qu’il ne faut pas écarter plusieurs éléments qui tempèrent les liens entre dépression et contraception hormonale. Il est possible que la contraception hormonale ne soit pas l’élément déclenchant de certains comportements psychologiques mais que celle-ci vienne aggraver une condition existante. C’est ce que démontre, par exemple, une étude sur des femmes ayant des troubles bipolaires tels que le «trouble de la personnalité limite».  (Slate).


- Pourquoi ne pas rappeler que "la pilule augmente effectivement le risque de certains cancers – sein, col de l'utérus et foie – de manière minime, mais toutefois significative, tout en diminuant le risque d'autres cancers – en premier lieu ceux de l'ovaire et de l'endomètre – et ce de manière beaucoup plus manifeste et beaucoup plus significative. (...) Dans les pays riches, on peut ainsi estimer que la pilule aurait évité 400.000 cas de cancer de l'endomètre ces 50 dernières années, et 200 000 depuis dix ans. Le taux de mortalité moyen de ce type de cancer avoisine les 20%. Ce qui nous donne, à la louche, 80.000 femmes sauvées en 50 ans, et 40.000 depuis dix ans." (Nouvel Obs)

- Enfin, l'info sur la contraception hormonale pour hommes est fausse : il n'y a pas d'abandon, les recherches (qui n'ont pas été menées par "un chercheur" !) se poursuivent avec l'appui de l'OMS, cette contraception s'avère efficace à 96% mais on cherche encore à en réduire les effets secondaires avant de la commercialiser. Cela dit, elle reporte sur l'homme le contrôle de la fertilité de la femme, ce qui donne moins de garanties à celle-ci.




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