samedi 14 mai 2011
Amnistie : un pas (de l'oie) en avant.
Le Sénat a approuvé ce jeudi la prise en considération d’une proposition de loi prônant l'amnistie pour les collaborateurs. Cette proposition était régulièrement avancée par le Vlaams Belang. Tout aussi traditionnellement, l'idée de la prendre en considération était rejetée par les partis francophones plus Groen ! et le SP.A. Cette semaine, le SP.A a voté pour la prise en considération. Cette volte-face a créé une majorité, ce qui signifie que désormais, un débat entre sénateurs sur une amnistie des collaborateurs est désormais possible. Même si ce vote n'a pour effet que de permettre un débat parlementaire et un vote à ce sujet, c'est une avancée historique pour l'idée d'amnistie, chère à l'aile droite du nationalisme flamand. L'idée même d'envisager pareille discussion avait toujours été repoussée : comme le souligne Francis Delperée (CDH), "C’est un coup de canif dans l’histoire et la mémoire des Belges. Le texte proposé est, en outre, une violation de la foi donnée à des décisions de justice. C’est une négation de l’Etat de droit".
Suite de l'article :
D'autant que la proposition n'y va pas de main morte. Elle vise à "effacer, pour l’avenir, tous les effets des condamnations et sanctions infligées du chef d’actes d’incivisme prétendument (sic) commis entre le 10 mai 1940 et le 8 mai 1945 et instituer une commission chargée d’indemniser les victimes de la répression d’après-guerre ou leurs descendants (…) ». Si la collaboration s'est développée en Flandre, c'est, lit-on, "parce que l’Etat n’a pas défendu spontanément et sincèrement les aspirations du peuple flamand » et que la justice belge était « bornée, aveugle et haineuse ». Quant au fait que collaborer n'était pas défendre la Flandre mais soutenir une idéologie prônant le bellicisme, la haine et l'extermination à un point que l'Histoire n'avais pas encore connu, les auteurs ne le font pas entrer en ligne de compte.
Cordon s'iouplaît...
Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'après pareil vote, il ne reste rien de l'idée d'un "cordon sanitaire" dressé entre le VB et les partis flamands démocratiques. On fait remarquer, et c'est exact, que la partie francophone du pays a elle aussi connu une collaboration ouverte et militante, mais ce petit jeu de "Toi aussi, tu as collaboré" débouche sur le constat d'une différence radicale : les partis francophones ne déposent pas de proposition pour que l'on réhabilite les SS de la Légion Wallonie. De même, on peut faire remarquer que la Libération, et c'est certain, a entraîné des excès, des condamnations erronées. Mais on semble ainsi oublier que des milliers d'anciens inciviques ont été libérés anticipativement dès 1948 (guerre froide obligeait, après tout ils s'étaient battus contre les soviétiques). "La loi du PSC Struye de 1948 permit à des milliers de collaborateurs d’obtenir la restitution de leurs droits et de jouir de la libération anticipée. Elle permit à 82% des condamnés à mort de voir leurs peines commuées en emprisonnement à vie. Les prisons belges n’avaient plus qu’un détenu en 1977 - "emprisonnement à vie" est donc une vaste duperie".
( http://www.marx.be/FR/cgi/emall.php?action=get_doc&id=23&doc=95 ). Plus de 50.000 autres inciviques ont bénéficié d'une restitution de leurs droits par la loi Vermeylen en 61 : ceux condamnés à moins de trois ans, et ceux qui, ayant adressé une requête à la justice, exprimaient leurs regrets pour leur attitude pendant la guerre.
On l'a vu, la proposition du VB ne vise pas à corriger au cas par cas quelques erreurs, alors que tant d'eau a déjà été versée dans le vin des jugements prononcés après la guerre. Non, il s'agit d'effacer entièrement toute conséquence de la répression qui a touché la collaboration (y compris des indemnisations encore dues à des familles de victimes). Donc, et le "prétendument commis entre le 10 mai 1940 et le 8 mai 1945 " est explicite, de complètement effacer toute réprobation de la Collaboration : il n'était pas condamnable de collaborer, point.
"En acceptant cette mesure, on fait sauter un verrou important. Si l’on accorde l’amnistie aux collaborateurs flamands, dont une grande partie est à l’origine de la déportation de Juifs, de résistants et de réfractaires au travail obligatoire, pourquoi ne pas amnistier par la même occasion des SS allemands responsables de l’extermination des Juifs ?" ( http://www.cclj.be/article/29/1278 ).
Il est regrettable de devoir considérer pareille question, qui touche à des valeurs universelles, par la lunette étroite du communautaire, mais il faut quand même constater que les suiveurs de Degrelle n'ont guère de postérité dans le monde
politique francophone. Ceux de Staf Declercq ont fait souche dans les rangs du VB et de la NVA. Les liens entre celle-ci et des nostalgiques des années 40-45 sont notoires. Encore récemment (2010), Minneke De Ridder (députée NVA à la Chambre) a placé sur son site une vidéo (disparue depuis) contenant des portraits de nazis convaincus, comme Staf Declercq («le Juif doit disparaître, c'est une question de santé publique»), avec les logos du VNV, ligue nationale flamande qui collabora ouvertement, et du Were Di, mouvement raciste dont les premiers cadres comprenaient d'anciens collaborateurs. Filip Dewinter, leader du VB, considère Staf De Clercq comme un dirigeant historique et le VB comme une bouture de son mouvement. Frieda Van Themsche, ex-députée VB, s'est dite fidèle à la mémoire de son père et de son oncle, qui ont tous deux combattu avec les nazis sur le Front de l'Est. Autre exemple : des résistants ont abattu pendant la guerre le gewestleider Peumans, haut dirigeant, armé, du VNV ("extirper le juif du corps populaire sain flamand"). Son neveu, Jan Peumans, NVA, a traité successivement les résistants qui ont abattu ce militant pro-nazi de "crapules de rue" (Humo), d'"assassins" (Het Laatste Nieuws) et de "lâches" (Le Soir). Il est président du parlement de la communauté flamande.
Il y a peu, David Süsskind écrivait : " Il s'agit de ceux qui ont porté l'uniforme nazi sur le front de l'Est et il s'agit de leurs descendants qui aspirent à bénéficier des pensions et autres avantages financiers qui ont échappé à leurs parents à cause de leur passé criminel.
Il s'agit de ceux qui, lors de la libération du territoire ont porté les armes et tué des compatriotes dans les Ardennes en 1944-1945.
Il s'agit de ceux que j'ai vu, de mes yeux, incendier plusieurs synagogues à Anvers en 1942, en hurlant ce slogan qui résonne encore à mes oreilles :" Les juifs, dehors".
De ceux qui ont démoli des magasins juifs.
De ceux qui ont contribué aux massacres et aux tueries sur le Front de l'Est.
(...) J'ose demander à ceux qui vont constituer le prochain gouvernement de RENONCER DÉFINITIVEMENT à réveiller ces démons. " Pour l'instant, on est loin du compte.
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