vendredi 11 juin 2010

Flotille De La Paix, Manips, Contre-Manips...

Après le drame qui a suivi l'intervention israélienne contre la Flotille de la Paix, une grêle d'infos a succédé à la grêle de balles. Enfin, quand je dis "infos" ... une grêle d'arguments hurlés, tonitrués, d'images difficiles à interpréter, d'affirmations qui se perdent dans la brume des contradictions. Par exemple, les photos d'armes trouvées sur le navire Mavy Marmara, photos publiées sur le site Flickr par l'armée israélienne, dateraient en réalité ... de 2003 et 2006. Les données EXIF, ces données informatiques qui accompagnent les photos numériques de certains formats, le précisent. Mais il peut y avoir à cela des explications techniques, et il serait étonnant que les spécialistes militaires israéliens, s'ils avaient monté un canard, aient commis une gaffe pareille (mais sait-on jamais ?). On trouve ici une analyse non passionnelle et technique des raisons pour lesquelles il ne s'agit probablement pas d'un faux.

La Suite De L'Article

L'auteur fait aussi remarquer, avec bon sens, que s'il s'agissait d'un bidouillage, les auteurs auraient placé des armes plus impressionnantes, pour accuser les passagers du navire, que des couteaux et des haches. Mais bien sûr, non vérifiée, relancée entre autres par le catastrophique site Agoravox, l'accusation a été relayée à des milliers de reprises.
D'autre part, le journal turc Hurriyet a publié des photos de militaires israéliens blessés, qui semblent accréditer que ces soldats auraient bien été attaqués dès leur arrivée sur le Mavy Marmara. A quoi l'on peut répliquer que les passagers du navire se défendaient légitimement, puisqu'ils étaient attaqués dans les eaux internationales. (NB : on lit dans la Libre d'aujourd'hui dans le compte-rendu de quatre femmes belges qui se trouvaient à bord : "... en plus de l'usage de bombes assourdissantes et des gaz lacrymogènes, les soldats israéliens, "qui étaient lourdement armés, " ont ouvert le feu à balles réelles sur le bateau avant même de le prendre d'assaut.Les deux femmes ne nient pas les violences menées par certains passagers envers les militaires israéliens. "Mais nous étions en état de légitime défense"). Est-ce vraiment l'essentiel, ce jeu sinistre et puéril de "C'est l'autre qui a commencé" ? Le flou autour de cette question ne m'a pas empêché de manifester contre l'opération de Tsahal, parce que la question importante n'est pas celle-là, mais celle du bien-fondé ou non du blocus de Gaza. Les derniers événements ont posé cette question y compris à l'opinion israélienne, dont une partie s'interroge. C'est indéniablement, même payé cher, un point important.

Gaza Rieuse ?

A propos de Gaza, du blocus, et de la guerre des infos, j'ai reçu aussi des images présentées comme provenant de Gaza. Elles montrent des étalages bien fournis et achalandés. De nombreux sites pro-israéliens les ont reproduites, assorties bien sûr de commentaires tels que "Voyez la soi-disant misère des habitants de Gaza".
Un étalage, et même dix, ne font pas l'abondance. Gaza, la ville, compte 400 000 habitants, la bande de Gaza plus de 1.500.000. Chacun sait qu'il y a des marchés approvisionnés à Gaza. Des tonnes de vivres y parviennent par les fameux tunnels de contrebandiers. L'ensemble des photos nous montre quelques habitants. Mais, avais-je répondu à l'amie qui m'avait envoyé ce document, "Combien de personnes ont accès à ces étalages alors que la moitié de la population est au chômage ? Les entreprises sont en ruines. Les tunnels arrangent le Hamas (la survie reste possible à Gaza) comme Israël (pas d'explosion suicidaire de désespoir qui créerait un scandale mondial irrésistible). Les entreprises locales encore debout, privées de produits chimiques, de courant, voient simplement la contrebande prendre la place de leurs produits".
Oui mais, quelque chose me chiffonnait. Ces photos provenaient d'un site pro-palestinien, Paltoday . Curieux, non ? Un site pareil qui montre des images pareilles ? Cherchez l'erreur. Impossible pour moi de la trouver via Paltoday, qui n'existe qu'en version arabe. C'est le journal israélien Haaretz qui donne des éléments de réponse. Pourquoi Paltoday montrait-il des scènes de vie plus facile à Gaza ? Pour glorifier le Hamas ! En effet, explique Haaretz, l'on vit désormais mieux à Gaza ... car l'économie prise en main par le Hamas progresse ("Hamas economy grows") ! Face au succès des contrebandiers, l'organisation palestinienne a décidé de battre ceux-ci sur leur terrain. Et elle a creusé, avec ses solides moyens, ses propres tunnels. Des centaines, selon Haaretz. Elle s'en est servie pour importer massivement des vivres et des produits nécessaires à la vie quotidienne. Résultat : une arrivée de biens suffisamment massive pour que les contrebandiers voient avec désespoir les prix s'écrouler. Ceux qui creusaient de nouveaux tunnels ont même renoncé et abandonné leurs chantiers souterrains. Le réseau permet même d'alimenter certaines usines en carburant et en ciment. Les images distribuées par les pro-israéliens chantent donc la gloire du Hamas !
Mais ce n'est pas ainsi que l'on importera suffisamment de matériaux pour reconstruire la ville. Il faut suffisamment de ciment, d'acier, de bois, de verre pour rebâtir ou réparer 3.500 habitations détruites et 56.000 autres endommagées. "Dans un rapport publié le 22 décembre, soit un an après Plomb durci, 16 ONG humanitaires et de défense des droits de l’homme rapportent que les autorités israéliennes n’ont autorisé que l’entrée de 41 camions de matériaux de construction depuis la fin de l’offensive, alors qu’il en faudrait des milliers. Selon les auteurs du rapport, le blocus a également conduit à de fréquentes coupures d’électricité, de gaz et d’eau, avec des conséquences désastreuses sur la vie quotidienne et la santé publique. S’ajoutent les restrictions d’approvisionnement en gaz industriel imposées par Israël, privant 90 % des Gazaouis de courant pendant 4 à 8 heures par jour. Pour Amnesty International, «le blocus asphyxie la population, dont plus de la moitié est constituée d’enfants, dans pratiquement tous les aspects de la vie quotidienne. On ne peut laisser se poursuivre l’isolement et la souffrance dans lesquels elle est de plus en plus plongée.» (Libé, 01/06/2010). Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a parlé de "souffrances humaines inacceptables".
Pour plus de détails, voyez par exemple ce reportage. Oui, la question du blocus reste posée.
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2 commentaires:

Didier Brissa a dit…

Hello Tom, sans doute une faute d'inattention ?

"A quoi l'on peut répliquer que les passagers du navire se défendaient légitimement, puisqu'ils étaient attaqués dans les eaux territoriales."

tu voulais sans doute dire "eaux internationales"... car justement, un bateau qui serait arraisonné dans les eaux internationales, sans que l'abordeur dispose d'un mandat international (de l'ONU, par exemple, comme pour les pirates somaliens), peut à juste titre considérer les abordeurs comme effectuant un acte de piraterie face auquel ils sont en droit de se défendre par tous les moyens utiles.

(NB ce que la photos présente comme "armes" ressemble plus à des éléments d'un outillage usuel dans la marine, les hâches servent notamment à couper les élingues quand elles sont trop serrées par l'eau et le sel, le marteau à deux pointes sert à l'ouverture de caisse, etc...)

Tom Goldschmidt a dit…

Erreur en effet, corrigée merci. Pour la collection complète des photos en question, il faut utiliser le lien vers le site du commentateur

(http://anarchogeek.com/2010/06/02/the-flotillas-mavi-marmara-weapons-picture-dates-prove-they-are-faked-how-exif-files-work/)