mardi 29 novembre 2011
Bernard Shaw, Ami de l'Humanité ?
Comment ne pas sympathiser, instinctivement, avec Bernard Shaw, le brillant et drôle auteur de "Pygmalion" ? D'autant que l'homme se réclamait du socialisme et du non-conformisme. Un non-conformisme qui l'a emmené, quel que soit le talent qui lui valut un prix Nobel de littérature en 1925, assez loin de tout ce qu'on peut appeler humanisme.
J'ai eu récemment le très relatif honneur de polémiquer, sur d'autres pages, avec Initiative Citoyenne, un de ces groupes qui vous expliquent avec insistance que vacciner un enfant est bien plus dangereux que la maladie contre laquelle on le vaccine. Nous reviendrons peut-être ailleurs sur le fond de la question, mais j'ai noté que Initiative Citoyenne cite une phrase de Bernard Shaw : "Si on mettait à jour tous les décès imputables aux vaccinations dans le monde, ces chiffres feraient frémir Hérode lui-même".
Un Prix Nobel de Littérature ne me paraît pas un certificat de compétence scientifique, d'autant que cette phrase à l'emporte-pièce date de 1944, ce qui n'en fait pas exactement un outil pour analyser la situation de la vaccination 67 ans plus tard. Il faudrait de plus avoir l'honnêteté de spécifier que Shaw n'était pas opposé spécifiquement à la vaccination, mais à toute la pratique médicale de son époque. Il estimait que toute la médecine devait devenir une entreprise gérée de A & Z par l'Etat. Toujours sur le plan scientifique, il soutenait les théories de l'agronome soviétique Lissenko, fondateur d'une « biologie de classe » qui fit d'immenses dégâts, aujourd'hui couverte de ridicule. Admirateur de Staline, il certifia que l'URSS était un pays prospère qui ne connaissait pas la famine. Il considérait les Juifs comme des parasites, "le véritable ennemi, l'envahisseur venu de l'Est" (Morning Post, 13.12.1925 ou 3.12.1925). Il leur conseilla de partir en Palestine "mijoter dans leur propre jus. S'ils restent ici, qu'ils cessent d'être des Juifs et deviennent des êtres humains" (Literary Digest, 12 Octobre 1932). Il était partisan d'un eugénisme radical : "Si des gens sont aptes à vivre, qu'ils vivent dans des conditions décentes et humaines. S'ils ne sont pas aptes à vivre, qu'on les tue de façon humaine et décente". (George Bernard Shaw, Prefaces (London: Constable and Co., 1934), p. 296). Il estimait que les personnes qui ne pouvaient pas produire autant qu'elles consommaient ne devaient pas avoir droit à la vie (écoutez-le sur http://saynsumthn.wordpress.com/2010/01/25/george-bernard-shaw-hitler-and-margaret-sanger/ ) et écrivit que la politique eugéniste devait aboutir à "un usage étendu de la chambre léthale. Il faudrait mettre fin à l'existence d'un grand nombre de gens, simplement parce que prendre soin d'eux serait une perte de temps pour les autres" (conférence devant la London’s Eugenics Education Society, citation The Daily Express, 4.3.1910). Shaw lança un appel aux chimistes "pour qu'ils découvrent un gaz humain, qui tuerait instantanément et de façon humaine" (The Listener, 7/2/1934). On a voulu présenter cette phrase comme un trait d'humour (ce que rien ne laisse entendre), mais le plaidoyer enthousiaste de Shaw pour l'utilisation massive d'une "lethal chamber" (chambre mortelle) dans la préface à "Major Barbara" (http://www.freefictionbooks.org/books/b/14297-bernard-shaws-preface-to-major-barbara-by-shaw?start=20) n'a rien d'humoristique, et les préfaces de Shaw n'étaient pas des pièces humoristiques mais des exposés sérieux de ses idées. Lorsque le Premier Ministre irlandais Eamon de Valera exprima, soulevant un scandale général, ses condoléances pour la mort de Hitler (ceci après la libération des camps !), Shaw lui exprima son soutien dans une lettre publiée par le Times le 18 mai 1945.
Initiative Citoyenne a de curieuses références.
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santé, littérature, antisémitisme
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