lundi 18 juillet 2011

Libye : la guerre n'empêche pas le massacre.

Il y a peu, le journal du PCF "L'Humanité" a publié une interview de Rony Brauman, ancien président de Médecins sans frontières. Son opinion vient s'ajouter à celles qui rendent de plus en plus douteuses les raisons avancées pour justifier l'intervention de l'OTAN en Libye. Malheureusement, pour une raison apparemment technique, cette page est pour le moment indisponible. Je me permets donc de reproduire l'article ci-dessous. 


Après quatre mois d'intervention militaire en Libye, la France s'enlise dans le conflit. Pour Rony Brauman, professeur associé à Sciences-Po, ancien président de Médecins sans frontières, il faut parvenir à négocier.

Quels sont les enjeux de ce débat à l’Assemblée nationale ?

Rony Brauman. L’enjeu principal est de savoir où arrêter l’intervention. La première possibilité est d’aller jusqu’à Tripoli, jusqu’à la chute de Kadhafi, et d’amorcer son remplacement par la rébellion sous bouclier de l’Otan. L’alternative est d’inciter les pays de l’Otan à pousser leurs alliés à négocier, avec leur sécurité garantie par l’intervention. Ce serait un compromis à la poussée militaire qui vise un changement de régime, dont on nous dit qu’il est le but de la guerre.

Vous étiez contre cette intervention dès le début. Y avait-il une alternative à la guerre ?

Rony Brauman. L’alternative à la gesticulation, c’était l’ensemble des mesures comme le gel des avoirs, les pressions diplomatiques, l’influence des interventions non militaires auprès des alliés de la Libye. Mais il ne s’agit pas de croire qu’il y avait une bonne solution et une mauvaise, une permettant de sauver des civils et l’autre autorisant des massacres. On parle actuellement, et ce sont les chiffres de l’Otan, de 10 000  à 12 000 morts. Comment appeler cela ? La guerre n’a pas empêché le massacre. La morale ne peut être revendiquée ni par les interventionnistes ni par ceux qui s’y opposent.

Mais il y avait la situation d’urgence de Benghazi et ses populations civiles menacées…

Rony Brauman. Patrick Haimzadeh, un arabisant ancien diplomate en Libye, dit des choses intéressantes à ce sujet : on ne peut pas savoir ce qui se serait passé, mais l’imminence du péril n’est pas démontrée. Cela rappelle la guerre du Golfe et les canons qui pouvaient être montés en 45 minutes. Je suis sceptique par rapport à ce danger de massacre de Benghazi, mais je reconnais que ce scepticisme n’est pas non plus démontrable.

La partition de la Libye est-elle crédible ?

Rony Brauman. Ce ne serait pas une bonne chose, mais c’est très probable. Il ne semble pas que la rébellion en provenance de Cyrénaïque se soit propagée à d’autres endroits. Mais les exemples historiques nous montrent qu’une partition sur le long terme n’est pas une solution.

Y aurait-il une nécessité d’action occidentale après la chute de Kadhafi ?

Rony Brauman. Même les dirigeants militaires ne le savent pas. À ce jour, personne ne sait à quoi ressemblera un après-Kadhafi. Le Conseil national de transition travaille à une force politique, mais elle sera probablement composée aussi de transfuges kadhafistes pour assurer une continuité. On attend la mise en place d’un gouvernement rebelle pour y voir plus clair, mais c’est très difficile. Je ne peux que laisser des points de suspension.

Entretien réalisé par Julien Sartre
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