Israël : un Etat "acheté aux Palestiniens" ?

J'ai reçu, en commentaire d'un article, le texte suivant :
"Bonjour ! En effet je veux contribuer à la diffusion de la vérité, contre des propos haineux, racistes. Et je trouve que cet article est rempli de haine raciste antisémite pour une nation qui a été dignement élue par les Nations Unies en 1948. C'est mentir que de dire que Israël est colonisateur puisque chaque mètre carré de terre a été acheté par le Fonds National juif le KKL depuis les années 1901, et ce, parfois contre monnaie sonnante et trébuchante, aux turcs d'abord, aux anglais ensuite et aux arabes finalement. Et aujourd'hui on a le culot de dire qu'ils ont volé la terre qu'ils ont retournée à main nue depuis 1947 !!

L'armée israélienne a délogé ses propres habitants à Gaza au profit de gens qui n'y habitent d'ailleurs même pas.
Que dire de ces terroristes du Hamas qui volent des vies humaines par milliers sans que l'on ne dise mot, qui utilisent des enfants comme boucliers humains. Permettez-moi de douter de la qualité sans reproche et sans haine de ce Blog.
Voyons voir d'ailleurs si mon message sera diffusé. Preuve en sera immédiatement faite.
Salutations et Vive la VERITE et l'Information" !
Alors? On diffuse mon message? On ose ?"

Certains de ces propos me semblent mériter réponse :
"...une nation qui a été dignement élue par les Nations Unies en 1948". Vous ignorez apparemment que l'Assemblée Générale des Nations-Unies a voté alors la création d'un Etat israélien ... ET d'un Etat palestinien. Jérusalem ne devait faire partie ni de l'un ni de l'autre et être placée sous l'autorité de l'O.N.U. . Voir - en la cliquant - la carte ci-dessous.

C'est d'ailleurs un peu contradictoire de se revendiquer des N.U. ... qui n'ont jamais reconnu les conquêtes militaires d'Israël.

"Un pays acheté ?"

"...chaque mètre carré de terre a été acheté par le Fonds National juif" : cliquez la même carte. Les terres possédées par des Juifs en 1947 figurent en mauve foncé.
Chaque mètre carré ?
Lors de son indépendance, la superficie d'Israël était de 2 070 000 hectares.
Le Fonds national juif dont vous parlez en détenait 80 000, l'Association pour la colonisation juive en Palestine 45 000 ha, les particuliers juifs 51 000 ha . Total 176.000 ha. Le reste ? Ajoutons les particuliers arabes : 82 000 ha. On est toujours loin du compte... L'État 1 767 000 ha, dont 1.450.000 hérités du gouvernement mandataire et ... 317 000 abandonnés par leurs propriétaires - ce qui nous amène à l'exode des Palestiniens dont nous dirons un mot plus loin - ).
Encyclopedia Universalis précise : "En 1960 fut votée une loi aux termes de laquelle fut créée l'Administration des terres, organisme dont le but est de gérer les terres de l'État et du Fonds national juif, soit 92% du patrimoine foncier. Se référant à la Bible, l'Administration des terres refuse de vendre les terres agricoles, celles-ci sont louées pour des périodes de quarante-neuf ou quatre-vingt-dix-neuf ans contre des sommes modiques."

Wikipedia ajoute : "La confiscation des terres arabes : (...) Avant la création d'Israël, les kibboutzim (NB : coopératives agricoles) se créaient essentiellement sur des terres achetées.
Après la guerre d'indépendance de 1947-1949, l'État d'Israël a confisqué les terres des réfugiés palestiniens (et parfois aussi celles des Arabes palestiniens restés en Israël). Ces terres sont devenues la propriété collective de l'État, à travers le Keren Kayemeth LeIsrael ou K.K.L.. Celui-ci les donne à exploiter aux communautés rurales (mochavim ou aux kibboutzim).
Après la guerre, de nombreux kibboutzim ont donc été installés sur d'anciennes terres arabes, ce qui a créé :
- des conflits parfois aigus avec les anciens propriétaires restés en Israël ;
- des conflits avec les anciens propriétaires ou locataires devenus des réfugiés. : pendant les années 1950, surtout, on notera de fréquentes tentatives d'infiltrations de réfugiés tentant d'exploiter clandestinement leurs anciennes terres, ou attaquant les nouveaux occupants".

Croyez-vous toujours que, de la terre d'Israël, "...chaque mètre carré de terre a été acheté par le Fonds National juif" ?

Aujourd'hui, le dernier projet de colonisation à Jérusalem-Est (quartier arabe de Sheikh Jarrah) vise des terrains annexés par Israël en 1967, et rachetés ... à l'Etat d'Israël par un homme d'affaires, qui a déjà construit plus de 130 habitations à Jérusalem-est et compte continuer sur une large échelle (voyez ici un petit exemple, daté d'il y a quelques jours, de la façon sympathique dont se déroule ce genre de colonisation).
Cette politique d'achat, pour ne pas être violente, était bien une politique de purification ethnique. Un directeur du Fonds national juif, Yossef Weitz, écrivait en 1940 à propos des Palestiniens : "Il n’existe pas d’autre moyen que de les déplacer tous; il ne faut pas laisser un seul village, une seule tribu... Il faut expliquer à Roosevelt, et à tous les chefs d’États amis, que la terre d’Israël n’est pas trop petite si tous les Arabes s’en vont, et si les frontières sont un peu repoussées vers le nord, le long du Litani, et vers l’est, sur les hauteurs du Golan."

Comme les Peaux-Rouges ...

Par ailleurs, l'achat ne suffit pas pour rendre une colonisation acceptable, quand il a lieu entre deux types de population dont le pouvoir d'achat et les perspectives ne sont pas comparables. En offrant à un agriculteur ou un artisan pauvre une somme qu'il n'avait jamais rêvé de voir et qu'il ne pourra pratiquement pas refuser, on se conduit d'une façon moins horrible qu'en le fusillant, mais on contribue quand même à une colonisation, avec tous ses effets déstructurants sur une population. Les colonisateurs des Etats-Unis se sont procuré des terres des Indiens avec quelques dollars assortis d'eau de feu et de verroterie, ce n'était pas violent mais c'était quand même une action épouvantable. Et quand les dollars ne suffisaient pas, les massacres prenaient la relève.

Ce qui caractérise aussi la colonisation israélienne. Car les attentats du Hamas (363 civils tués si je compte bien, pas des milliers comme vous l'écrivez), dont vous parlez, évoquent fort les méthodes de groupes terroristes sionistes comme l'Irgoun, qui a massacré des centaines de civils par des bombes sur des marchés, par des attentats contre des trains, et par des fusillades massives (les 107 civils tués à Deir Yassin ne se sont pas vu proposer de vendre leurs maisons, pas plus que les habitants d'autres villages qui ont connu le même sort...). Le chef de l'Irgoun Menahem Begin a par la suite dirigé le gouvernement israélien. Cette politique - et les mauvais conseils des dirigeants de pays arabes qui promettaient un retour proche - a provoqué la fuite de quelque 600.000 palestiniens.

"Que dire de ces terroristes du Hamas..." Ce que je me crois autorisé à en dire se découvre facilement, en faisant une recherche sur "Hamas" dans le champ "Rechercher ce blog" en haut à gauche.

Quant à la terre "retournée à mains nues", il est certain que les kibboutzim des temps héroïques ont été le lieu de beaucoup de courage, d'abnégation et d'idéalisme. Il ne reste plus grand'chose de cela, et par ailleurs l'agriculture israélienne, qui ne représente plus que 2% du produit intérieur brut, bénéficie de l'appui du Bureau pour la Croissance Economique, l'Agriculture et le Commerce de l'USAID, agence fédérale d'aide à l'étranger du gouvernement des Etats-Unis (l'aide annuelle des Etats-Unis, soit 2,5 milliards de dollars en 2009, est utilisée dans sa grande majorité à des fins militaires).

Enfin, vous êtes apparemment plus indigné qu'observateur, sinon vous auriez remarqué que je porte un nom juif... J'ai été traité de "sale Juif" à 10 ans, mon père a porté l'étoile jaune "Jude" et a connu un nombre respectable de camps de concentration, ma grand-mère a été gazée à Auschwitz, et ma famille vit en Israël. Cela me fait donc un effet curieux de me faire traiter de raciste antisémite haineux.


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