mercredi 28 janvier 2009

Ode à Lizque

Photo G. Goosens / Sénat de Belgique



Jupiter, c'est connu, rend fous ceux qu'il veut perdre.
Or, on voit bien qu'il voulait perdre Anne-Marie
Lizin, Ubu hutois qui disait "Foutre" et "Merdre"
A chacun - mais qui reste aimée de son mari -.


Mais pourquoi, oui pourquoi, dis, Elio, tant de haine ?
Parce qu'elle fait trop haut ce que d'autres font bas ?
Je ne puis m'empêcher de sentir une gêne.
C'est vrai : les élections approchent à grands pas.

On ne peut point laisser le roi être trop nu
Alors qu'on a clamé "Guerre aux parvenus ! "
Et qu'on n'a guère encor pourfendu d'adversaire.

Folle, oui, mais pas sotte ! Est-ce là son vrai tort,
De n'être pas médiocre, quand d'autres le sont fort ?
Je ne sais. Mais tout ça sent le bouc émissaire.

Précision : ce petit sonnet est une sornette, une amusette, pas un édito réfléchi ni une prise de position sur le fond.

Mots-clef : Anne-Marie Lizin, Lizin, Huy, PS, Elio Di Rupo

Michel Tilmant : Solidarité !


Nous tenons à assurer de notre totale solidarité le camarade Michel Tilmant, administrateur délégué du groupe bancassureur ING, injustement "démissionné" par l'entreprise qui l'exploitait. La victime devra se contenter d'indemnités de licenciement équivalant à un an de salaire : à peine plus d'un million d'euros. Faible consolation, Michel Tilmant restera toutefois conseiller du groupe jusqu’à sa retraite, le 1er août.

Explication de la disgrâce : quelques engagements risqués que la crise a douloureusement mis en lumière (notamment - ce qu'ING a d'abord nié - dans le secteur immobilier des Etats-Unis, oui, celui où fleurissaient les subprimes) . Les gens sont ingrats : en voulait-on à la direction, à l'époque toute récente où la Libre écrivait (21/2/2007) "ING Belgique a enregistré en 2006, pour la première fois de son histoire, un bénéfice net supérieur au milliard d'euros (1.000,9 millions d'euros). Il s'agit d'une hausse de 16,6% par rapport à 2005" ?
De toutes façons, ces risques, ce n'est pas si grave : l'Etat néerlandais, qui a déjà fourni une aide de 10 milliards d'euros, va supporter 80% des risques d'un portefeuille d'ING d'actifs situés aux Etats-Unis. Un porte-parole d'ING a commenté : « S’il y a des gains, ils sont pour l’Etat, s’il y a des pertes, elles seront aussi pour l’Etat". Question : ces derniers temps, vous entendez plus souvent parler de gains ou de pertes, concernant les banques ? C'est drôle, en 2005, les groupes Fortis, KBC et Dexia avaient engrangé des bénéfices nets de plus de 8 milliards d'euros, on n'entendait pas dire à l'époque que les gains allaient être pour le secteur public...
On me fait remarquer un autre drame social, tout aussi bouleversant : sous pression de la ministre française de l'économie, Christine Lagarde (elle-même sous pression de l'opinion), Axel Miller, le patron de Dexia, a dû renoncer à ses indemnités de départ : un modeste 3.7 millions d'euros, l'équivalent de deux ans de salaire (le sien, hein, pas le mien).
Ah, accessoirement, ING va supprimer 7.000 emplois, et on a annoncé avant-hier 73.000 suppressions d'emplois dans le monde. Je suppose que les licenciés toucheront tous les mêmes indemnités que Michel Tilmant.

Mots-clef : parachutes dorés, crise, indemnités, banques

Un journalisme mis au pas


Je ne fais que relayer le texte ci-dessous, dont je ne suis pas coauteur, mais qui émane de personnes à mes yeux généralement dignes de confiance. Il concerne plusieurs licenciements qui émeuvent le monde de la presse belge, et a d'abord été refusé par les deux quotidiens belges dont on se serait le plus attendu à ce qu'ils le publient, ce qui rendait l'affaire doublement inquiétante.

À la suite du licenciement arbitraire de quatre journalistes, dont la rédactrice en chef, du principal hebdomadaire belge francophone d'actualité, Le Vif-L'Express (groupe Roularta), une « carte blanche » (texte ci-dessous) a été rédigée par l'Association des journalistes professionnels et par des enseignants universitaires responsables des principales écoles de journalisme à Bruxelles et en Wallonie.

La publication de ce texte a été refusée par les rédacteurs en chef des deux quotidiens de référence en Belgique francophone, Le Soir et La Libre Belgique, deux organes de presse qui, par ailleurs, se posent en promoteurs du dialogue et du débat au sein d’une société ouverte. (NB Depuis que ces lignes ont été rédigées, ils ont publié ce texte). Le motif invoqué était que certains des constats mentionnées dans le texte pourraient s’appliquer à ces quotidiens eux-mêmes. Telle n’était pas l’intention des auteurs de la « carte blanche », mais il est révélateur que des rédacteurs en chef renommés croient déceler des mises en cause dans toute réflexion sur la gestion actuelle des médias d’information. Comme d’autres avant elles, les directions de ces médias, pourtant promptes à porter des jugements sur les attitudes des autres détenteurs de pouvoirs, se refusent à tout questionnement public sur leurs propres pratiques et préfèrent l’autocensure voire la censure. Ce faisant, loin de conjurer la crise structurelle qui frappe leurs entreprises, elles démontrent à quel point leur conception managériale de l’information en est l’un des éléments-clés.

Les auteurs de ce texte sont tout aussi consternés par cette dérobade que par les faits qui ont motivé la rédaction de cette « carte blanche ». Contournant ce refus d’ouvrir – à peine ouvrir ! – une confrontation d’idées sur des questions essentielles, nous avons entrepris de faire circuler cette « carte blanche » par tous les moyens disponibles. Nous vous invitons à diffuser largement ce texte. Sa circulation démontrera la vanité de toute tentative d’étouffer le débat sur l’avenir du journalisme dans notre société.

(s.) Jean-Jacques Jespers, École universitaire de journalisme de Bruxelles, ULB CP 123, Avenue F.D. Roosevelt 50, B-1050 Brussels. Jean-jacques.Jespers@ulb.ac.be

Un journalisme mis au pas

Le brutal licenciement signifié sans motif, le jeudi 22 janvier, à quatre journalistes chevronnées de l’hebdomadaire Le Vif /L’Express n’est pas qu’une péripétie douloureuse au sein d’une grande entreprise, comme il s’en déroule hélas chaque jour dans le pays. La mise à l’écart de collaboratrices qui comptent jusqu’à vingt ans d’ancienneté au sein du magazine, et qui en ont forgé les valeurs autant que la réputation, relève en l’occurrence d’une épuration dont les intentions manifestes sont inquiétantes pour la liberté rédactionnelle du Vif en particulier et pour le journalisme en général.


Le directeur du Vif/L’Express, qui s’était déjà signalé antérieurement à Trends/Tendances par une propension à distribuer des C4, et qui en est, au Vif, à 6 licenciements, 2 départs et 2 déplacements imposés, l’a précisé lui-même : aucune raison économique ne l’a poussé à congédier la rédactrice en chef et 3 rédactrices spécialisées l’une en politique intérieure, l’autre en sciences, la troisième en culture. Invoquant des relations dégradées entre l’équipe de rédaction et la rédactrice en chef, la direction – qui n’a pas réussi à résoudre ces problèmes – a choisi la manière la plus radicale d’y mettre fin. Le prétexte est non seulement léger mais, en outre, il ne concerne pas toutes les journalistes concernées.

La valse des licenciements, entamée au Vif voici bientôt trois ans, traduit en réalité une obsession constante : mettre au pas la rédaction du premier magazine d’information générale de la Communauté française, qui avait précisément fondé sa crédibilité sur une totale indépendance d’analyse et de jugement, tant à l’ égard de ses propres actionnaires – le groupe flamand Roularta– que vis-à-vis des différents pouvoirs, politiques comme économiques, de la société belge.


Durant plus de deux décennies, Le Vif/L’Express a pu défendre un journalisme exigeant, soucieux d’abord de la pertinence et de l’utilité, pour ses lecteurs, des sujets qu’il abordait. Au nom de cette éthique, il pouvait parfois estimer nécessaire de fâcher un annonceur, de heurter un ministre ou de consacrer une couverture à un thème moins vendeur.

Tout cela n’est plus allé de soi dès l’instant où, inquiétée par une légère érosion des ventes, la haute direction de Roularta s’est laissée convaincre qu’il fallait remplacer les journalistes expérimentés, couper les têtes qui dépassent, et faire de la docilité aux impératifs économiques de l’entreprise un credo admissible.


L’éditeur du Vif n’est pas le seul à déposséder ainsi la rédaction de sa capacité à penser ses priorités et à définir ses champs d’action. En Belgique comme à l’étranger, trop d’entrepreneurs de presse choisissent, parfois sous le prétexte des difficultés économiques, d’appauvrir les contenus, de réduire les effectifs, de se priver de plumes critiques et d’esprits libres, de mettre au placard des talents fougueux, et de préférer des chefs et sous-chefs soumis.

Le Vif n’est pas le seul, mais il est l’unique hebdomadaire d’information générale largement diffusé en Communauté française. Ceux qui l’épuisent aujourd’hui de l’intérieur portent à cet égard une responsabilité devant l’ensemble de l’opinion.


A l’inquiétude pour l’avenir de ses journalistes chassés, mais aussi de ceux qui restent, s’ajoute la stupéfaction face à la brutalité sociale : convoquées un soir par un SMS sur leur portable, les quatre licenciées ont été renvoyées sur le champ de grand matin, avec interdiction formelle de repasser par la rédaction pour emporter des effets personnels. Deux heures sous surveillance leur ont été concédées, le samedi suivant, pour cette besogne. De quelle faute gravissime, de quel délit, ces quatre là étaient-elles donc coupables pour mériter un tel mépris ? Rien ne justifie une telle violence dans les relations sociales, qui en l’occurrence se double d’un réel mépris pour le droit du travail et contraste avec l’image de la paisible entreprise familiale qu’aime à se donner Roularta. La réaction de la Société des Journalistes du Vif – qui observait dès jeudi un arrêt de travail - comme le soutien inconditionnel de l’Association des Journalistes Professionnels et des syndicats, indiquent que la limite de l’acceptable a été franchie.


La crise financière, la chute des revenus publicitaires, la diversification technologique des médias et les investissements qu’elle réclame ne pourront jamais justifier à nos yeux que le journalisme soit réduit à sa seule valeur économique, que les journalistes ne soient plus les chiens de garde de la démocratie mais seulement des petits soldats zélés chargés de vendre des contenus formatés pour les impératifs commerciaux à court terme.

Nous avons besoin de rédactions expérimentées, en effectif suffisant, libres et indépendantes. Comme nous avons davantage besoin de matière grise, d’expertise, de culture et de réflexion journalistique étayée que de mise en scène spectaculaire de papiers vulgarisés à l’extrême pour plaire au plus grand nombre. Les comportements de certains managers et les plans d’économie concoctés au nord comme au sud du pays ne vont pas dans ce sens. Maintenons à nos médias leurs capacités intellectuelles : respectons les journalistes !


- Pascal Durand (Information et communication, ULg)

- Benoit Grevisse (Ecole de journalisme de Louvain, UCL)

- François Heinderyckx (Information et communication, ULB)

- Claude Javeau (professeur honoraire à l’ULB)

- Jean-Jacques Jespers (Ecole universitaire de journalisme de Bruxelles, ULB)

- Hugues le Paige (revue Politique)

- Martine Simonis (secrétaire générale de l’AJP)

- Marc Sinnaeve (Département de journalisme, IHECS)


Mots-clef : journalisme, le vif- l'express, liberté de la presse

lundi 12 janvier 2009

Sur la Manifestation "Gaza" de Bruxelles

Première remarque : la grosse majorité des participants étaient issus de l'immigration. Etonnante distortion entre le nombre d'autres personnes qui, dans la conversation, condamnent vivement l'attitude d'Israël et compatissent aux souffrances des Gazaouis, et le nombre d'entre ceux-là qui se sont déplacés. Sujet tabou ? Histoires d'Arabes et de Juifs ? Peur d'accompagner des extrémistes islamistes - auxquels on laisse donc tout le terrain - ?

Cela dit, s'il faut rester chez soi parce qu'on ne veut pas se commettre avec des gens qu'on n'aime pas, je n'irai plus jamais manifester, parce qu'à chaque manif de gauche est présent le PTB, organisation qui n'a jamais renié son soutien à Staline, à la direction chinoise, aux Khmers Rouges et à Sentier Lumineux, auprès desquels le Hamas fait pâle figure.

Les slogans les plus repris étaient notamment : des appels à la suspension de l'élargissement des accords entre Israël et l'UE, à des sanctions et au boycott des produits israéliens, "Une seule solution, arrêtez l'occupation", "Israël, casse-toi, la Palestine n'est pas à toi", "Nous sommes tous des Palestiniens", "Israël bombarde; l’Europe
regarde", "Union Européenne : zéro, Pays Arabes : zéro", "Israël assassin", "Israël terroriste", "Qui sème la misère récolte la colère". Certains groupes ont scandé "Allah Akhbar". Je n'ai pas entendu de slogans mentionnant le Hamas, ni lu de pancarte le mentionnant, mais je ne lis pas l'arabe ; il est inimaginable que ce mouvement n'ait pas été mentionné, et j'ai vu deux manifestants portant des roquettes en carton. Je n'ai pas entendu ni lu de slogan antisémite, apparemment les journalistes en reportage non plus, mais une amie me dit avoir vu une pancarte "Mort aux Juifs" ; la présence de l'Union des Juifs Progressistes de Belgique n'a suscité aucune réaction hostile, pas plus que celle de juifs traditionnalistes portant kippa ou grand chapeau, manteau noir, papillottes et longue barbe.
En revanche, des pancartes portées par des jeunes issus de l'immigration témoignaient de leur ignorance de ce qu'est le nazisme, telles "Gaza, pire qu'Auschwitz", "Gaza, la nouvelle Shoah", ou encore des variations sur le
thème "Israël = nazi". Ces slogans sont navrants à cause de cette ignorance, mais en même temps reconnaissent que la Shoah ou Auschwitz étaient des horreurs (même si ces jeunes n'en réalisent pas l'ampleur) et condamnables. On est donc loin ici de l'effrayante allégresse avec laquelle le public de Dieudonné acceuille le négationnisme et les moqueries concernant les camps de concentration.
Cela dit, je me suis heurté ces derniers jours encore à l'obsédant "Tous les Juifs soutiennent Israël, être contre la politique d'Israël c'est de l'antisémitisme !". Pour les jeunes musulmans qui voient les images de Gaza, ce genre de discours est une invitation à l'antisémitisme.

Enfin, la couverture presse m'a semblé assez consternante, les deux cents gamins casseurs de vitrines ont pris autant de place que les dizaines de milliers d'autres présents. Surtout, les mots d'ordre n'ont guère été mentionnés, c'est à dire que l'on a parlé de la forme (l'image, l'atmosphère) mais pas du contenu !

Ces quelques lignes ont été soumises à plusieurs personnes présentes à la manifestation.
Voir aussi le blog d'Henri Goldman pour une discussion post-manif...
La plupart des photos sont dues à Ariane Bratz
:-) , merci à elle.

Mots-clef : Gaza, Palestine, Israël, Proche-Orient, Manifestation

vendredi 9 janvier 2009

Gaza - Manifestation à Bruxelles


Gaza:
Une manifestation nationale aura lieu à Bruxelles ce dimanche 11/01/2009 à 14h00. Le départ aura lieu Gare du midi . Le mot d'ordre principal est "Arrêtez le massacre à Gaza".


Les autres mots d'ordre sont :
Le silence tue
Arrêtez l'embargo contre le peuple Palestinien
Arrêtez la violence contre les civils (le texte flamand dit "tegen alle burgers", "contre tous les civils")
Arrêtez l'impunité
Arrêtez les accords EU-Israël

Participants
11.11.11. Alliance for Freedom and Dignity, Artistes contre le Mur Assocation Belgo-Palestinienne, CADTM, CNAPD, CNCD – 11.11.11, COCAB, CODIP, Collectif Présence Musulmane Belgique, Communauté Palestinienne de Belgique, Génération Palestine, Groupe Palestine – Santé, Intal, Ligue Islamique Interculturelle de Bruxelles, LSP-PSL, MCP, MIR – IRG, Oxfam Solidariteit-Solidarité, Oxfam Wereldwinkels, Présence et Action Culturelles, PJPO du Brabant Wallon, PVDA-PTB, Solidarité Socialiste, Une Autre Gauche, Vlaams Palestina Komitee, Vrede vzw


Mots-clef : Palestine, Israël, Gaza, combats

La (sur)vie quotidienne à Gaza avant l'attaque


Et avant l'opération en cours, à quoi ressemblait la vie de tous les jours dans l'enclave soumise au blocus ? Une mission de médecins a rapporté, juste avant l'attaque, une réponse à cette question. Le Groupe Palestine Santé (GPS) est une association de fait de travailleurs de la santé, qui tente de venir en aide aux Palestiniens, principalement dans le domaine médical. Je connais personnellement deux de ses membres. La première mission en Palestine a eu lieu en décembre 2005. Vous pouvez en savoir plus via http://www.bicup.be/inprogress.htm , et d'autres pages si vous faites une recherche sur "Groupe Palestine Santé".
Voici un extrait du rapport publié après la dernière visite sur place, du 26 octobre 2008 au 2 novembre, de membres du groupe (j'ai ajouté les sous-titres). On y apprend entre autres que les tunnels si souvent présentés comme servant à importer des armes sont aussi une artère vitale pour qu'un peu de nourriture arrive sur place (où elle sera vendue très cher !). Voir aussi deux reportages ici et ici .

"Si notre entrée à Gaza a été plus simple que l’année dernière (cela n’a pris qu’une heure et demi), nous retrouvons le même paysage ravagé, rendu encore plus misérable par la pluie qui a transformé le no man’s land entre les parties israélienne et palestinienne en mer de boue… Nous sommes frappés par la même irréalité que l’année dernière.

Pauvreté et tunnels

L’impression de pauvreté généralisée domine et n’est pas moindre que l’an dernier. La circulation des personnes et des marchandises entre Gaza et l’extérieur est arrêtée. L’importation des matières premières, des semences, des fertilisants… et l’exportation des produits agricoles (fraises, tomates…) n’est plus permise. A ces restrictions s’ajoute la rétention par Israël des revenus fiscaux qui appartiennent à l’Autorité Palestinienne, ce qui aggrave la crise financière.

L’ouverture de centaines de tunnels ‘clandestins’ entre Raffah et l’Egypte permet de diminuer la disette imposée par le blocus, mais pas pour les plus pauvres qui ne peuvent se procurer ces denrées surtaxées par les exploitants des tunnels et par le Hamas. Creusés artisanalement à l’aide d’une simple boussole par de jeunes gens payés quelques dollars par jour pour travailler dans des conditions extrêmes: diamètre des tunnels imposant aux usagers de se déplacer à quatre pattes, manque d’oxygène, effondrement, explosion de bonbonnes de gaz…, ces tunnels permettent le passage de marchandises variées: pièces détachées pour véhicules, alimentation, vêtements, électroménager, carburant et même parfois du bétail…. Beaucoup de boutiques de Gaza sont approvisionnées de cette manière, mais la majorité de la population n’a pas les moyens d’acheter ces produits. Peu de personnes utilisent ces tunnels pour quitter Gaza, le coût d’un passage est de 2.000 dollars. Assez régulièrement, un tunnel s’effondre, ce qui a provoqué 60 morts depuis le début de l’année. Tout le monde ferme les yeux : si ces tunnels permettent la survie de la population, ils entraînent en contrepartie le développement et l’enrichissement d’une mafia, même si le Hamas tente de garder le contrôle de ce trafic en empêchant le trafic d’armes qui pourraient renforcer des groupes armés opposés et imposant des taxes sur les produits des tunnels.

Une économie morte

La majorité de la population (soit 1,1 millions de personnes) reste dépendante des rations alimentaires de l’UNRWA. Le taux de chômage varie entre 60 et 80 % selon les sources et l’inactivité des hommes est omniprésente dans la rue. Les zones industrielles sont à l’abandon. Le trafic automobile reste important et nous a paru plus dense que l’an dernier. Le Hamas gère les pénuries d’essence en distribuant des tickets permettant d’acheter quelques litres de carburant à la pompe. La ration officielle de carburant est complétée par l’essence d’Egypte passée par les tunnels.

La déréliction du tissu urbain et des services publics s’aggrave dans les quartiers populaires et dans les camps de réfugiés. Les immondices jonchent les rues, les égouts fonctionnent mal, provoquant inondations et destructions lors des violentes pluies d’orage : nous avons pu observer Gaza littéralement sous eau, les voitures quasiment immergées. Les eaux usées continuent d’être versées directement à la mer. Les coupures d’électricité sont quotidiennes. Les immeubles en construction sont à l’abandon et se dégradent, faute de matériaux de construction. Par ailleurs, on observe des ilots d’habitations privilégiés, quasi luxueux, épargnés par le marasme général.

La sécurité est revenue grâce à l’arrêt des incursions israéliennes, obtenu en contrepartie de l’arrêt du tir de Qassam’s il y a 5 mois et grâce aussi au meilleur contrôle par le Hamas des bandes armées rivales. L’impression de calme et d’absence de menace prévaut sur l’ensemble du territoire. Cependant, les tensions internes sont extrêmement graves, mais peu visibles au grand jour.

Surveillance et humiliations

Si les Israéliens ne sont plus présents dans Gaza, leur empreinte reste omniprésente. Lors de nos visites, nos accompagnateurs nous montrent régulièrement les restes du passé : « cette route était interdite aux Palestiniens, là vivait une famille palestinienne, enclavée dans une colonie, leurs déplacements étaient restreints à 2H par jour, ce qui empêchait les enfants d’aller à l’école… ». Les Israéliens ne sont plus présents matériellement ; durant notre visite il n’y avait pas d’incursion (situation qui a changé juste après notre départ de Gaza). Mais elle pèse pourtant tout autant : les Palestiniens ressentent partout les humiliations passées, ils ne peuvent entrer et sortir de Gaza sauf exceptions, l’entrée officielle des marchandises se fait au compte gouttes et est à la merci d’Israël ; des ballons israéliens surveillent le territoire de Gaza par caméra….

La sortie de Gaza a été tout aussi surréaliste que l’année passée : dédale sécuritaire bétonné, contrôlé par des caméras de surveillances, entouré de murs et de grilles, passant de sas de sécurité en sas de sécurité, ordres éructés par des hauts parleurs. Nous passons le scanner de contrôle, tout cela sans contact direct avec les militaires israéliens, que nous apercevons dans une salle vitrée en hauteur : un homme face à un écran d’ordinateur nous donne des ordres, un militaire armé nous tient en joue. Enfin, nous atteignons la sortie et sommes presque soulagés d’être face à des soldats en chair et en os pour le contrôle de nos bagages, même si nous fulminons quand ils retirent nos gâteaux palestiniens qui pourraient constituer des armes redoutables… "



L’équipe était composée de : Valérie Alaluf (médecine générale), Daniel Dekkers (ingénieur, organisateur), Olivette Mikolajczak (santé mentale), Michel Roland (médecine générale), Laurence Taca (économiste, information médicale), Jean-Pierre Thys (médecine interne, maladies infectieuses), Pierre Viart (cardiologie pédiatrique), Marie-Jeanne Wuidar (médecine générale).


Mots-clef : Gaza, Palestine, Santé, Israël, tunnels, blocus, pauvreté


Keith Richards et Chuck Berry (vidéo)


"Non, Keith, pas comme ça !" Qui, mais qui oserait montrer à MONSIEUR Keith Richards, oui LE Keith Richards des Rolling Stones, comment jouer correctement un riff de guitare ? Pas grand'monde. Mais le premier parmi ces happy few est certainement MONSIEUR Chuck Berry. Avec Muddy Waters, c'est le musicien envers qui les Stones ont la plus grosse dette.


Reste à savoir si Chuck, qui a son petit caractère n'en remettait pas lors de cette répétition. On était en 1986, "Keef" organisait un concert en l'honneur de Chuck pour les 60 ans de celui-ci, à Saint Louis, la ville natale du créateur de "Johnny Be Good". Mais selon certains, Chuck n'avait pas tout à fait digéré que la notoriété de ses "élèves" Stones ait dépassé la sienne, et il profita de l'occasion pour tenter d'humilier son admirateur, qui prit les choses avec un flegme d'autant plus méritoire qu'il avait déjà joué ce morceau ("Carol") sur les plus grandes scènes du monde depuis plus de vingt ans. Leçon de style ou rapport sado-masochiste ? A vous de juger. Les images proviennent du documentaire "Hail ! Hail ! Rock N' Roll" de Taylor Hackford.






Mots-clef : Rock'n roll, guitare, Chuck Berry, Keith Richards

USA : l'interpellation qui tue (vidéo)


Manifestations et affrontements ont éclaté ce 7 janvier à Oakland, en Californie. Le 1er du mois, à 2 heures du matin, la police était intervenue dans une station de métro à la suite d'une bagarre. Les policiers avaient interpellé une série de personnes, dont un jeune noir, Oscar Grant, désarmé et plaqué au sol. Un policier, qui dit avoir voulu utiliser son Taser (pistolet paralysant électronique), a en fait saisi son pistolet à balles et a tiré dans le dos du jeune homme, qui a été tué. Des personnes présentes ont filmé la scène avec leur téléphone portable.

La victime avait les mains derrière le dos et le genou d'un policier sur la tête. Les images ci-dessous font le tour du monde et ont déclenché des protestations et des cortèges qui ont tourné à l'émeute lorsque les organisateurs ont été débordés. 105 personnes ont été à leur tour interpellées.




Mots-clef : violence, police, Taser, bavure, arme à feu, Oakland, Oscar Grant

Le Hamas et sa Charte


L’article reproduit dans le post précédent (donc, ci-dessous, pas ci-dessus) explique que la popularité du Hamas a des racines sociales. Cela ne veut pas dire que les bases idéologiques du mouvement seraient pour autant progressistes. Un coup d’œil sur la Charte du Hamas prouve vigoureusement le contraire ! Attention néanmoins : ce texte date de 1988. Il y a pour le moins de très grandes différences entre sa lettre et certaines orientations plus récentes – en fait, des zigzags caractéristiques des organisations tiraillées entre des directions divergentes. On peut même dire que les propos des leaders sont parfois extrêmement contradictoires, y compris sur des questions de principe.

Certaines déclarations laissent apparaître une acceptation de fait de l’existence d’Israël. Il est question d’une trêve de longue durée si Israël évacue les zones occupées depuis 1967 et accepte l’existence d’un Etat palestinien installé dans la bande de Gaza et la Cisjordanie, avec Jérusalem comme capitale. Evidemment, les dirigeants israéliens en sont à des années-lumière, mais enfin, c’est déjà tout autre chose, de la part du Hamas, que d’avoir pour seul horizon l’éradication d’Israël. D’ailleurs, lors des élections de 2006 qui ont vu sa victoire sur le Fatah, le Hamas n’a pas fait campagne sur la destruction d’Israël, mais plutôt sur la lutte pour une meilleure vie quotidienne et contre la corruption ; en juin 2008, il a discuté avec le gouvernement israélien, pour établir la trêve de six mois dont la fin a abattu sur Gaza l’opération israélienne « Plomb Durci ».

"La guerre ne profite qu’à lui seul.”

Celle-ci a provoqué une profusion de commentaires selon lesquels Israël doit se résoudre à prendre en compte la réalité Hamas, s’il ne veut pas devoir finalement (ré) occuper Gaza et s’enfoncer dans une aventure de plus en plus difficile à gérer. Même si le Hamas subit une rude défaite militaire, son prestige de martyr n’en sera qu’augmenté, et son action de solidarité sociale, sa réputation d’intégrité, continueront à lui gagner des sympathies. C’est d’autant plus vrai que l’autre organisation palestinienne de masse, le Fatah, est de plus en plus discréditée, y compris en Cisjordanie, qui devrait être son fief. Le 6 janvier, Le Monde publiait une interview d’un leader de ce mouvement, qui déclarait lui-même : «Toute la génération des 16-20 ans se range derrière le Hamas. La guerre ne profite qu’à lui seul.»

Quels projets ?

Bien malin qui pourrait dire aujourd’hui quel but politique réel poursuivent à long terme les dirigeants israéliens, et on peut se demander s’ils en partagent un – question assez sidérante à propos d’une opération qui a déjà fait, à l’heure présente, près de 800 morts - . Mais on peut tout autant s’interroger sur le projet stratégique du Hamas. Rayer Israël de la carte ? Sauf pour des gesticulations de meeting, le propos apparaît aujourd’hui presque grotesque. S’insérer dans le jeu politique ? Mais ses tensions internes semblent l’en empêcher, alors que chaque seconde compte. Reste une troisième possibilité, que les origines du mouvement, issu des Frères Musulmans, ne permettent pas d’exclure. La Charte de 1988 donne un but, « planter l’étendard de Dieu sur toute la Palestine », mais pas de délai. Peut-être qu’aux yeux de certains dirigeants, tant mieux si l’épouvantable bras de fer dure encore pendant des décennies : chaque bombardement, chaque journée d’horreur, chaque mort d’enfant radicalisent un peu plus les masses arabes et les musulmans, non seulement en Palestine, mais un peu partout. Chaque goutte du sang de chaque martyr fait grossir les troupes de la Foi et les rend plus radicales, dans le monde entier. Dans cette optique, plus l’affrontement se prolonge sur le sol de Palestine, plus les défenseurs de la charia trouveront d’écho sur tous les continents. Bien entendu, on peut symétriquement soupçonner – pour le moins – certains Israéliens de souhaiter longue vie au Hamas, parce que ses roquettes leur donneront prétexte à transformer chaque jour plus Israël en forteresse assiégée.

La Charte.

A ceux-là, la Charte du Hamas fournit une brassée d’arguments. Il est question que le mouvement se donne un autre texte de base, mais en attendant, celui de 1988 est toujours officiellement en vigueur.
On ne peut contester sa tonalité antisémite : dès les premières lignes, on y lit « Notre combat avec les Juifs est une entreprise grande et dangereuse… ». Plus loin, c’est clairement de ceux-ci qu’il est question quand on lit : « les ennemis ont dressé des plans et les ont adoptés pour parvenir là où ils sont arrivés actuellement. Ils ont travaillé à rassembler des fortunes matérielles considérables et dont l'influence est grande qu'ils ont affectées à la réalisation de leur rêve. Grâce à l'argent, ils règnent sur les médias mondiaux. Ce sont eux qui étaient derrière la révolution française, la révolution communiste et la plupart des révolutions (…). Grâce à l'argent, ils ont créé des organisations secrètes qui étendent leur présence dans toutes les parties du monde pour détruire les sociétés et réaliser les intérêts du sionisme, comme la franc-maçonnerie, les clubs Rotary et Lyons, le B'nai B'rith (…) » .
Les mêmes « ennemis » sont accusés d’avoir déclenché les deux guerres mondiales et d’avoir créé la Société des Nations et l’ONU pour dominer le monde ( ! ) . « Qu'une guerre éclate de-ci de-là et c'est leur main qui se trouve derrière. » Encore plus consternant : « Leur plan se trouve dans "les Protocoles des Sages de Sion" » : ce texte est un faux célèbre, publié voici un siècle, soi-disant procès-verbal de réunions au cours desquelles des juifs auraient mis au point un plan de conquête du monde. Rapidement démasqué comme une imposture, ce torchon fait encore des ravages. Après quoi, on promet qu’ « A l'ombre de l'islam, les disciples des trois religions, islamique, chrétienne et juive, peuvent coexister dans la sécurité et la confiance », mais les Juifs qui le liront après pareil préambule auront quelques doutes.

Toute solution diplomatique est définitivement écartée : « Le Mouvement de la Résistance Islamique considère que la terre de Palestine est une terre islamique waqf [donnée à perpétuité] pour toutes les générations de musulmans jusqu'au jour de la résurrection. Il est illicite d'y renoncer en tout ou en partie, de s'en séparer en tout ou en partie. (…) Les initiatives, les prétendues solutions de paix et les conférences internationales préconisées pour régler la question palestinienne vont à l'encontre de la profession de foi du Mouvement de la Résistance Islamique. Renoncer à quelque partie de la Palestine que ce soit, c'est renoncer à une partie de la religion. » et encore « Sortir du cercle du conflit avec le sionisme constitue une haute trahison qui entraînera la malédiction sur ses auteurs. » Bref, « Il n'y aura de solution à la cause palestinienne que par le jihad. Quant aux initiatives, propositions et autres conférences internationales, ce ne sont que pertes de temps et activités futiles. »

La Charte définit le rôle de la femme en des termes brefs mais énergiques : « Dans la bataille de libération, la femme musulmane a un rôle qui n'est pas inférieur à celui de l'homme : être l'usine à hommes. Elle joue un grand rôle dans l'orientation et l'éducation des jeunes générations. » Sur ce que cette éducation doit être, le texte est également sans ambiguïté : « Il faut que l'éducation des jeunes générations islamiques dans notre région soit une éducation islamique fondée sur l'accomplissement des obligations religieuses, l'étude conscientisée du Livre de Dieu, l'étude de la tradition prophétique, la lecture de l'histoire et du patrimoine islamique dans ses sources fiables ».

(traduction utilisée : ici)

"Les intérêts des masses".

Encore une fois, ce texte n’est visiblement plus la boussole dont s’inspirent pratiquement les leaders du Hamas, mais il n’a été ni remplacé ni abandonné. Cela dit, nous voyons avant tout son extrémisme religieux, son antisémitisme, son bellicisme, son antiféminisme, mais les réfugiés vivant dans des camps, les palestiniens entassés à Gaza et même ceux de Cisjordanie doivent surtout être sensibles à la phrase : « Les éléments du Mouvement de la Résistance Islamique doivent considérer les intérêts des masses comme ils considèrent leurs propres intérêts. Il ne leur faut épargner aucun effort dans la réalisation comme dans la préservation de ces intérêts. » Et la pratique du Hamas leur démontre apparemment qu’il ne s’agit pas de vaines paroles.


Mots-clef : Hamas, charte, djihad, Israël, Fatah, Gaza, Cisjordanie

jeudi 8 janvier 2009

Hamas : pourquoi la popularité ?


Le Hamas : irréprochable défenseur de son peuple ? Pur mouvement terroriste ? Pourquoi certains Etats et organisations le classent-ils comme mouvement terroriste, d'autres ne classant comme terroriste que sa branche armée, d'autres (et pas seulement des Etats arabes opposés à Israël) ne le considérant pas comme terroriste ? Pourquoi les Palestiniens lui accordent-ils tant de sympathie ? Ont-ils dans leurs gènes l'amour des ultra-religieux tueurs d'enfants israéliens, ou le succès électoral et la popularité du Hamas ont-ils des racines plus profondes et moins antipathiques ?


On trouve un éclairage intéressant dans un article paru dans le Monde du 22 mars 2004, après que les Israéliens aient abattu l'un des principaux dirigeants du Hamas, cheikh Ahmed Yassine. Je me permets de le reproduire.

"Fort d'un réseau associatif proche du peuple, le Mouvement, voué à la destruction d'Israël, a porté ses thèses radicales au cœur de beaucoup de Palestiniens

Ariel Sharon avait annoncé une "guerre totale" contre l'organisation responsable des attentats les plus meurtriers. L'assassinat du fondateur du mouvement en est une étape.
On pourrait appeler cela "le théorème d'Oum Khaled". Oum Khaled, donc, se présente un jour de septembre 2003 au domicile du cheikh Ahmed Yassine, le chef spirituel du Mouvement de la résistance
islamique (Hamas), à Gaza. Oum Khaled est une mère de famille qui habite le camp de réfugiés de Bourej, plus au sud. Elle s'adresse au Hamas en désespoir de cause : son fils prépare sa rentrée à
l'université et n'a pas les moyens d'acheter ses livres. Le secrétaire du cheikh Yassine la reçoit très aimablement mais lui annonce qu'il n'a pas le moindre argent à sa disposition : le mouvement est sans le sou depuis le gel de ses avoirs bancaires décrété par l'Autorité palestinienne après l'attentat commis à
Jérusalem le 19 août, qui a fait vingt-deux morts. (En décembre, ils ont été débloqués dans le cadre de négociations interpalestiniennes.) Le secrétaire a tout de même une idée : il décroche son téléphone, appelle un ami libraire. Oum Khaled est priée de lui rendre visite. Elle ne repartira pas à Bourej les mains
vides.
Cette histoire ne résume pas, à elle seule, le phénomène Hamas, mais elle en éclaire bien des aspects, souvent négligés quand on réduit cette organisation à une faction radicale vouée à la destruction
d'Israël. Au-delà de ses activités "militaires", ce mouvement, dont il est impossible d'estimer l'effectif, dispose d'un solide réseau associatif. Il se veut proche de la population, à l'écoute de ses préoccupations, efficace dans l'aide apportée aux plus démunis. Et mise aujourd'hui sur ces atouts pour relever le défi lancé par
Israël, qui s'est juré de "l'écraser".
Créé à Gaza en 1987, au lendemain du déclenchement de la première Intifada, le Hamas est devenu, en moins de deux décennies, le deuxième mouvement palestinien après le Fatah de Yasser Arafat, avec
lequel il s'est heurté pendant les accords d'Oslo, en 1993. Ses thèses radicales ont gagné en popularité avec l'effondrement du processus de paix. Condamné à la clandestinité en Cisjordanie réoccupée, le voilà désormais sur la défensive dans son fief historique : Gaza.
Traqués, ses responsables se cachent. Son chef, le cheikh Yassine - qui vient d'être tué lundi 22 mars à l'aube dans un raid d'hélicoptère israélien - avait réchappé de peu, le 6 septembre 2003, à l'explosion d'une bombe de 250 kg, lancée par un avion de combat israélien, sur l'immeuble dans lequel il avait été "logé",
grâce à l'incomparable réseau d'informateurs dont dispose l'armée israélienne dans les territoires palestiniens. Ce raid a déjà prouvé que la "guerre totale" annoncée par le gouvernement d'Ariel Sharon
contre l'organisation, responsable des attentats les plus meurtriers perpétrés sur son sol, n'est pas un vain mot.
"LISTE NOIRE"
L'Union européenne n'est pas en reste. Après l'attentat de Jérusalem, elle a inscrit l'aile politique du Hamas sur sa "liste noire" du terrorisme ; une liste où figurait déjà la branche militaire. Sous la pression des Etats-Unis, l'étau s'est resserré également autour des circuits financiers. Des dizaines de comptes
bancaires sont sous scellés et neuf associations caritatives sur lesquelles s'appuyait l'organisation ont vu leurs fonds bloqués par l'Autorité. Dans les bureaux de ces associations, les bouches se
ferment devant les visiteurs trop curieux. Surtout, qu'il ne soit pas question de "politique" !
Adib Youssef a justement bien d'autres soucis que la "politique". A 40 ans, il vit avec sa femme et ses sept enfants dans le modeste quartier de Nasr, à Gaza. Après des années de vaches maigres, dont témoigne le mobilier rare et épuisé de son appartement, il vient de trouver du travail dans la zone industrielle d'Erez, contrôlée par Israël. Pour un salaire de misère : 55 shekels par jour (environ 11 euros). Il en gagnait plus de 450 lorsqu'il travaillait en Israël, avant 1992. Adib Youssef devait en théorie recevoir 400 shekels
d'une association proche du Hamas, mais l'argent, en provenance du Qatar, a été gelé, et il ne pourra donc pas faire réparer son réfrigérateur en panne depuis plusieurs mois. "J'ai souvent reçu de l'aide lorsque je n'avais pas de travail, raconte-t-il. D'habitude, les responsables viennent visiter la maison dans les moindres
détails. On nous interroge sur notre situation, puis on reçoit au coup par coup des vêtements, de la nourriture ou de l'argent, en fonction de ce qu'ils ont."
DES LEADERS "ACCESSIBLES"
Adib Youssef assure qu'il n'est pas question pour lui de prendre part à une manifestation, ni même aux funérailles d'un cadre du Hamas. "Trop dangereux !, coupe-t-il. Si je suis reconnu par un "collaborateur", je n'aurai plus le droit de travailler à Erez." Il a beau être considéré comme "clair" par les Israéliens et n'avoir
qu'un rapport routinier avec la religion, il ne tarit pas d'éloges sur les dirigeants du mouvement islamiste, jugés "sérieux", "accessibles" et "soucieux du bien d'autrui". Bien que son leader politique de référence soit Yasser Arafat, Adib Youssef n'exclut pas de voter, "un jour", en faveur du Hamas. Jusqu'à présent, il n'en a
pas eu le loisir. En dépit de beaux succès lors d'élections professionnelles ou étudiantes (il était majoritaire à l'université Al-Najah de Naplouse en 2001 et l'a emporté à Birzeit, près de Ramallah, en 2003), le mouvement avait ainsi choisi, en 1996, de ne pas participer à celles du premier Parlement palestinien (le Conseil législatif), en signe de refus du processus de paix lancé à Oslo trois ans plus tôt.
Parallèlement à la légitimité officielle représentée par l'Autorité palestinienne, il n'a cessé d'affirmer la sienne, alimentée en partie par les travers d'un pouvoir dominé par le Fatah. Ses figures de proue, Ahmed Yassine, Abdel Aziz Al-Rantissi ou Ismaïl Abou Chanab - tué dans un raid de l'armée israélienne, le 21 août 2003 -, vivent ou vivaient dans les quartiers pauvres de Sabra ou de Cheikh-Radouane, dans des maisons modestes, loin du luxe ostentatoire de la villa de l'ancien premier ministre, Mahmoud
Abbas, par exemple.
Avant même que leurs têtes soient quasiment mises à prix, on ne les croisait jamais dans les lieux publics ou dans les cortèges tapageurs qui ont assuré la mauvaise réputation d'une Autorité jugée unanimement corrompue. "Il y a un dicton qui dit qu'on ne peut rien cacher à Gaza, et avec le Hamas, l'argent arrive toujours à destination", estime un observateur palestinien.
RÉSEAU CARITATIF
La puissance du réseau caritatif ne saurait pourtant être exagérée. "D'après les contacts officieux que nous pouvons avoir avec les responsables des associations religieuses, qui ne sont d'ailleurs pas toutes dans l'orbite du Hamas, comme la Zakat qui gère le produit de l'aumône, elles n'auraient disposé en 2002 que d'un budget de 24 millions de dollars, ce qui n'est tout de même pas grand-chose", indique le représentant d'une organisation internationale installée dans les territoires palestiniens.
"En fait, poursuit-il, il s'agit surtout de petits coups de main, de petites sommes distribuées ici ou là par des gens toujours dévoués. D'ailleurs, lorsque l'Autorité gèle leurs activités, comme ce fut le cas en 1996 ou comme aujourd'hui, les conséquences sociales restent minimes." "Le Hamas dispose d'un indéniable capital de sympathie, mais je ne sais pas comment il se traduirait dans des urnes", conclut-il.
Cette sympathie est entretenue au quotidien par une multitude d'interventions et de services adaptés à une société déjà fragilisée par une démographie galopante (la moitié de la population a moins de 18 ans) et mise à genoux par trois ans d'Intifada. Les dons aux familles des "martyrs", aux blessés et aux orphelins, mais aussi les cours du soir, les crèches et les colonies de vacances dénoncées en Israël comme des camps d'embrigadement permettent au Hamas de rester en permanence dans le paysage et de souligner accessoirement les carences du pouvoir. Pour ce faire, il ne méprise aucune activité, ni les ateliers d'informatiques ni les compétitions sportives. Deux clubs de football considérés comme proches du mouvement ont ainsi été tour à tour défaits en août par le Gaza Sporting Club, l'équipe vedette du territoire. A cette occasion, revêtus du traditionnel maillot vert, couleur de l'Islam, et du short islamique qui descend
jusqu'au genou, les joueurs du Club de l'association islamique se sont signalés, paraît-il, par leur fair-play.
Non loin de la demeure du cheikh Yassine, un autre club accueille l'une des meilleures équipes de tennis de table de l'étroite bande de terre. Il va de soi que ces activités sportives, pour l'essentiel, ne sont destinées qu'aux hommes. Mais ces clubs ne sont pas toujours aussi anodins : l'armée israélienne a mis en cause à
l'été 2003 une association sportive de Hébron qui, selon elle, alimentait en hommes des cellules clandestines à l'origine d'attentats.
LA "FACE MILITAIRE"
Il s'agit là de l'autre visage du Hamas - sa face "militaire" - et qui fonde sa singularité. En adoptant dès sa création, en 1987, le principe de la lutte armée, puis en privilégiant plus tard les attentats-suicides, ce dernier a en effet rompu avec un long passé au cours duquel avait été privilégié le travail social. C'était, à l'origine, l'objectif prioritaire des multiples organisations affiliées aux Frères musulmans égyptiens, qui s'étaient succédé dans les territoires palestiniens et dont le Hamas est l'ultime avatar. Non pas que leurs responsables aient été indifférents à la cause nationale. Bien au contraire. Mais la création du Hamas, peu après celle du Djihad islamique, a définitivement placé la politique et l'action violente en tête de chapitre, avant les questions de société. Depuis une décennie, la vulgate du mouvement présente invariablement les attentats comme des
représailles légitimes aux assassinats, par Israël, de ses militants. Cette présentation des faits lui garantit en général l'approbation tacite d'une grande partie de la population, y compris de la part de Palestiniens qui, tel Adib Youssef, peuvent par ailleurs se déclarer hostiles à la violence. "Le Hamas joue sur ce consensus", reconnaît Ghazi Hamad, le rédacteur en chef d'un magazine, Al-Rissala (la lettre), ponctuellement interdit par
l'Autorité car jugé proche du mouvement islamiste. "Mais le Hamas sait qu'il doit aussi faire attention. Tout le monde a désapprouvé l'attentat de Jérusalem parce qu'on savait bien qu'il allait remettre le feu aux poudres."
Cette opération, décidée par une cellule de Hébron afin de venger un chef local tué quelques jours auparavant, a montré des failles dans le fonctionnement interne du Hamas. Sa direction politique est
apparue a posteriori comme placée devant le fait accompli. "Le mouvement est pragmatique, assure Ghazi Hamad, quand il sent que les pressions sont trop fortes, il s'adapte, sans renoncer pour autant à
ses principes."
En 1993, en pleine euphorie du processus de paix, le cheikh Yassine n'avait pas écarté le principe d'une trêve avec Israël, d'une ou plusieurs décennies, une fois Gaza et la Cisjordanie évacués.
Depuis, il a réitéré cette position à plusieurs reprises. Cette plasticité renvoie en fait à un pluralisme très relatif, au sein de l'organisation, entre extrémistes et "modérés", dont atteste Ziyad Abou Amr, universitaire spécialiste du mouvement, éphémère ministre de la culture mais surtout homme de liaison pour l'Autorité
palestinienne.
LES MODÉRÉS
En privilégiant au printemps le "dialogue" avec le Hamas, le premier ministre Mahmoud Abbas avait d'ailleurs fait un pari appuyé sur ce jugement : que les gains politiques pour l'Autorité assurés par la "feuille de route" (le plan de paix international soutenu par les Etats-Unis, l'Union européenne, la Russie et l'ONU) contraignent les "modérés" du Hamas à tenir compte de ce nouveau processus et à intégrer, à terme, le jeu politique et institutionnel. Le mouvement était en quelque sorte invité à se "hezbollahiser" - c'est-à-dire
imiter l'organisation chiite libanaise, représentée au Parlement de son pays - selon l'expression d'un diplomate européen.
Le cycle de violence a cependant renvoyé à plus tard cet objectif, également défendu par un ancien chef du Mossad (les services de renseignement israéliens), Ephraïm Halévy, convaincu de la vanité d'une guerre frontale contre un mouvement qu'il juge profondément ancré dans la société palestinienne.
En 1996, Imad Faloudji, porte-parole du Hamas avait choisi de rompre avec le mouvement pour se présenter, avec succès, aux élections législatives. Yasser Arafat l'avait "récompensé" en en faisant un
ministre des télécommunications. Son cas est resté une exception. Le Hamas demeure en marge du jeu politique. "
Gilles Paris


Mots-clef : Hamas, Gaza, Israël, Proche-Orient.

Gaza - La situation


Article éloquent ici à propos de la situation humanitaire. Il s'agit d'une interview de John Ging, responsable de l'ONU à Gaza, parue dans Le Monde. Le titre reprend l'une de ses phrases : "Peu de gens en dehors de Gaza mesurent l'horreur de la situation".

A propos de l'accord selon lequel désormais les combats s'interrompront pendant trois heures chaque jour, ce responsable déclare : "Notre travail ici n'a pas cessé pendant les bombardements. Mais que voulez-vous faire en si peu de temps ? Nous avons donc trois heures pour faire ce qui nous prend normalement douze heures par jour, six jours par semaine, et que nous n'avons pu faire depuis douze jours. Les camions qui acheminent les biens de première nécessité doivent être chargés, conduits, déchargés... Pour faire venir ces camions à Gaza aujourd'hui nous avons commencé à 7 heures du matin, et l'opération vient seulement de finir ce soir, douze heures plus tard. C'est une opération logistique très importante. Il ne faut pas se laisser distraire par ce joli mot de "corridor", ces belles images de convois, ce n'est pas ainsi que cela se passe. Les soldats israéliens arrêtent leurs opérations pendant trois heures, c'est tout, rien de plus."


Mots-clef : Palestine, Israël, Gaza, combats, civils, humanitaire

mercredi 7 janvier 2009

Facebook : Mafia oui ! Seins non !


C'est le "Monde" de ce 7 janvier qui nous l'apprend : Facebook, le gigantesque site de contact social, héberge des pages à la gloire des chefs de la Mafia ; cela fait un peu désordre, surtout alors que les responsables du site ont jugé intolérables des photos de mères allaitant leurs bébés - les photos ont été retirées des profils de ces fières mamans - qui ne se laissent pas faire - .

Les responsables du site expliquent que la vision d'un téton dépasse les limites permises sur Facebook. Résultat : un groupe de protestation s'est constitué sous le titre "Hé, Facebook, ce n'est pas obscène d'allaiter!" ("Hey, Facebook, breastfeeding is not obscene!) , il a récolté 150.000 signatures de membres de Facebook en quelques jours, mais les photos sont toujours interdites. Par contre, les pages à la gloire de patrons du crime sont toujours là, malgré les protestations.

Voici le début de l'article :

"Peut-on impunément encenser les parrains de Cosa Nostra sicilienne sur Facebook, le site de socialisation ? Apparemment oui. Les dirigeants du network de Palo Alto, en Californie, ont fait savoir que la censure ne faisait pas partie de leur politique. En l'occurrence, ils ne feront rien contre les groupes de fans de mafieux tels que Toto Riina et Bernardo Provenzano qui se sont manifestés à travers le site et provoqué un tollé en Italie pour avoir qualifié les parrains, entre autres, d'"hommes d'honneur", d'"incompris" et d'"innocents" dont "il faut baiser la main".
Problème : la tolérance du site semble être à géométrie variable. Ces mêmes dirigeants de Facebook viennent en effet de retirer les "profils" mis en ligne sur le site par des mamans les montrant alors qu'elles allaitent leurs enfants. (...) Une pétition a été adressée au ministre (NB : italien) de la communication pour demander la fermeture du site pour "complicité en apologie de délit", punissable selon le code pénal italien.
La suite ici.

Mots-clef : Facebook, allaitement, mafia, Italie