dimanche 10 février 2013

Homoparentalité : une étude, pas censurée, mais bidon.

Le choix de cette photo pour parler
d'homoparentalité est déjà un gage
d'objectivité ;-)
J'ai trouvé mon record de stupidité pour la semaine, si pas plus. Cela se trouve ici . Bien entendu c'est repris sur d'autres sites. En bref : une étude publiée aux Etats-Unis démontre que les enfants de parents homosexuels seraient dépressifs, victimes de problèmes physiques et psychologiques, plus sujets au chômage, plus victimes d'attouchements sexuels... Mais comme cette étude, décisive, déplaît au gouvernement français, elle a été tenue secrète en France. Le site France Eternelle précise même : "Taubira, furieuse, demande à la presse de ne pas en parler".
L'étude a été réalisé par le sociologue américain Mark Regnerus, et publiée dans le journal américain « Social Science Research, sous le titre : « How different are the adult children of parents who have same-sex relationships? Findings from the New Family Structures Study » ("A quel point les enfants devenus adultes de parents ayant eu une relation homosexuelle sont-ils différents ? Résultats de l’Étude des nouvelles structures familiales).
Cela appelle quelques remarques...
- "Cette étude tenue secrète en France "
Comment peut-on imaginer qu'une étude publiée aux Etats-Unis serait tenue secrète en France ? On suspendrait tout courrier entre les USA et la France ? On censurerait tous les mails entre les universités des Etats-Unis et celles de France ? Tenue secrète par qui ?

- Il existe plus de 700 études consacrées aux effets de l'homoparentalité. Conclusion ?
« Les résultats convergent tous vers un message clair et sans ambiguïté : lorsque (ces) enfants ont des problèmes d’adaptation, d’autres facteurs que la simple orientation sexuelle des parents sont responsables de ces difficultés ». Danielle Julien, psychologue et professeure au Département de psychologie de l’Université du Québec à Montréal, en 2003.
La thèse présentée par Stéphane Nadaud en 2000 (France, diplôme d'Etat de docteur en médecine) après observation de 58 enfants conclut "les résultats de notre étude corroborent les données de la littérature, à savoir que l’homoparentalité ne semble pas constituer, en soi, un facteur de risque pour les enfants, ce mode de parentalité entraînant plutôt des spécificités et des particularités qu’il convient d’explorer. "

- Comment peut-on imaginer que Taubira "demanderait à la presse de ne pas parler" de quelque chose ??? Imagine-t-on l'explosion que cela provoquerait dans les journaux et media, à commencer bien sûr par ceux proches de l'opposition, mais aussi tous les autres ?

L'étude proprement dite :

- L'étude en question a été accueillie par une salve de critiques concernant sa méthodologie. On en trouve un résumé sur Psychology Today .  Entre autres bourdes, le sociologue en question considère comme parent homosexuel n'importe quel parent qui aurait eu une relation - je cite - "romantique" avec une personne de même sexe avant les 18 ans de son enfant. Il s'avère finalement qu'il n'y a que quelques très rares cas, parmi ceux étudiés, d'enfants réellement élevés, pendant une longue période, par un couple homosexuel. Deux personnes seulement furent élevées par un couple homosexuel toute leur enfance, huit pendant plus de huit ans, ceci sur un échantillon de 2988 personnes interrogées. L'étude ne porte donc pas sur des couples homosexuels ayant décidé d'élever un ou des enfants, mais sur des enfants dont un des parents a eu une relation homosexuelle, même brève ("did either of your parents ever have a romantic relationship with someone of the same sex?”). Le titre de l'étude parle d'ailleurs bien de "parents ayant eu une relation homosexuelle", sans plus de précision.
La méthode ne pouvait qu'influencer - pour le moins - les résultats. Il s'agissait d'interroger des personnes nées entre 1971 et 1994 : une période où le mariage entre personnes du même sexe n'existait pas, où l'homosexualité était bien plus objet d'opprobre qu'aujourd'hui, et où des millions d'homosexuel/le/s non assumés menaient tant bien que mal une existence dans le cadre d'un (fragile) mariage hétérosexuel. Après avoir analysé cette démarche, le journal Slate conclut que les personnes interrogées "n'étaient pas le produit de ménages homosexuels. Ils étaient le produit de ménages désunis". Et Slate d'ajouter que l'étude doit être lue, non comme une condamnation du mariage homosexuel, mais comme une condamnation des mariages hétéros désastreux auxquels des homosexuel/le/s se sont trop souvent résolus.
Par ailleurs, le coût de l'étude a été couvert par le Witherspoon Institute, dont l'un des buts numéro 1 est ... de combattre le mariage homosexuel  et la Bradley Foundation, qui se voue à la défense des valeurs conservatrices. Il était donc évident que l'étude était une commande, biaisée avant même que la première ligne en ait été écrite, et non une recherche scientifique indépendante.
Voilà, c'est peut-être faire beaucoup d'honneur à ce travail bien peu scientifique, mais les temps sont troublés ; si l'on vous tombe dessus en le mentionnant, vous aurez reçu des munitions...

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Mots-clef :homoparentalité, homosexualité, mariage, adoption

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonjour,

Une précision sur l'étude : à aucun moment dans cette étude Marc Regnerus n'établit de conclusion. Spécialiste de l'étude du mouvement Queer, de conviction born-again christian affirmée, il estime depuis longtemps que ses travaux ne servent qu'à approfondir un champ d'étude et ne sont donc pas significatifs en eux-mêmes. Du coup, pour prétendre que cette étude en particulier "prouve" que des enfants élevés par des homosexuels présenteraient de plus grandes chances d'être en "échec social" (une notion très présente dans les sciences sociales outre-Atlantique, assez peu présente en France), les partisans de l'interdiction de l'adoption pour les couples du même sexe présument considérablement à partir des données et analyses de Regnerus.
Or, en appliquant la même approche, on peut tout à fait défendre sur la base de cette même étude la thèse inverse, puisque les données et analyses de Regnerus permettent de conclure que le facteur prioritaire conduisant à "l'échec social" est l'instabilité au sein du couple, qui se trouve aussi bien chez les couples du même sexe que chez les couples de sexe différents. Du coup, la stabilité du couple étant un critère pour l'adoption, une conclusion possible de cette étude est que l'adoption peut parfaitement être autorisée pour les couples du même sexe, et ce suivant les mêmes critères que pour les couples de sexes différents, cela ne sera pas un préjudice pour les enfants.

Monsieur Coquelicot a dit…

Heureux de lire votre analyse lucide.
Quant au soupçon de commande idéologique que vous manifestez — à juste titre — en fin d'article, sachez qu'il est confirmé par une enquête récente de The American Independent.

La journaliste Sofia Resnick a obtenu par voie judiciaire (“Freedom of Information Act request”) que soit divulguée une partie des courriels de Regnerus (en tant qu'il est employé de l'Université d'Austin).

On y trouve de nombreux échanges entre plusieurs protagonistes (outre Regnerus lui-même), notamment Luis Tellez, directeur du Witherspoon Institute, mais aussi Brad Wilcox, sociologue, alors directeur du Program on Family, Marriage, and Democracy au Witherspoon Institute. Le même Wilcox a été recruté par Regnerus pour travailler sur son étude ; last but not the least c'est Wilcox qui a eu la lumineuse idée de publier Regnerus en juin 2012 dans Social Science Research, dont il est aussi… membre du comité éditorial.

Et, parmi ces nombreux échanges, on peut lire par exemple (Tellez à Regnerus) :
“It would be great to have this before major decisions of the Supreme Court but that is secondary to the need to do this and do it well. I would like you to take ownership and think of how would you want it done, rather than someone like me dictating parameters but of course, here to help.”

Dans son fameux article Regnerus écrivait sans vergogne, à propos du Witherspoon Institute :
“The NFSS was supported in part by grants from the Witherspoon Institute and the Bradley Foundation.
While both of these are commonly known for their support of conservative causes—just as other private foundations are known for supporting more liberal causes—the funding sources played no role at all in the design or conduct of the study, the analyses, the interpretations of the data, or in the preparation of this manuscript.”


On sait donc désormais qu'il a délibérément menti

L'article de Resnick — avec explications & lien vers les fameux courriels de Regnerus — peut être lu (en anglais) ici.