mercredi 30 mars 2011

Voile : le cas Hema.


Le sort d'une employée voilée de la firme Hema (firme des Pays-Bas, installée en Belgique) continue de susciter des vagues. Il y a peu, cette jeune limbourgeoise, qui travaillait à Genk, a été licenciée parce qu'après son engagement, elle avait commencé à porter le voile (faussement dit) musulman, ce qui a suscité des plaintes du public. Son véritable employeur était la firme d'intérim Ranstadt, qui ne s'est pas opposée à son licenciement. La porte-parole d'Hema explique : "En Belgique, il n'est pas d'usage de porter le voile dans des magasins, grands magasins et dans les fonctions publiques". "Hema se conforme aux habitudes du pays. Nous ne pouvons comparer la Belgique ou un autre pays où est établi Hema avec les Pays-Bas où le port du voile est considéré autrement. Aux Pays-Bas, le voile fait partie 'en option' des vêtements de travail, en Belgique et en France non".
Suite de l'article :
Le bureau d'intérim Randstadt, par lequel s'était fait le recrutement de l'employée, ne s'oppose pas au licenciement, citant des experts selon lesquels "l'employeur a le droit d'imposer des prescriptions vestimentaires à ses travailleurs, sous certaines conditions. La jurisprudence de ces dernières années est très claire à ce sujet".
La jeune femme s'est vu proposer un nouvel emploi, mais l'a refusé, déclarant : "Je ne pouvais travailler que dans la réserve, ce que je ne veux pas. J'aimais le contact avec les clients dans le magasin. En plus, c'était à nouveau un contrat d'intérimaire, alors qu'ils m'avaient promis un contrat fixe."

"Aplatissement sans précédent"...

L'événement a suscité des réactions, par exemple une manifestation en soutien à l'employée. Le groupe Tayush, "groupe de réflexion pour un pluralisme actif", vient de publier un texte estimant que "le débat sur le foulard envahit maintenant la sphère privée avec des conséquences potentiellement incalculables pour l'accès au marché du travail des personnes issues de minorités ethniques, culturelles ou religieuses. Au-delà de la légitimité ou non de la prise en compte de l’apparence d’un fonctionnaire dans l’exercice d’une fonction d’autorité, la fermeture de l’emploi privé que laisse augurer la récente décision d’HEMA et de Randstad s’annonce catastrophique. En effet, nombre d’individus compétents et motivés, de toutes convictions ou horizons culturels confondus, vont se retrouver marginalisés car ne rentrant pas dans les standards étriqués d’un marché de l’emploi essentiellement blanc-bleu-belge." On y lit encore que "Cet aplatissement sans précédent devant les désirs du client-roi est particulièrement interpellant ! Où va-t-on placer la limite ? Si, en suivant cette logique, un client fait des remarques sur un employé noir ou arabe, ou encore gay, de sexe féminin ou ayant un handicap visible… Absurde ! Vraiment ? Ayons conscience de ce qu’implique dans l’organisation sociale le regard intolérant des autres. Comment oser aujourd’hui renvoyer à la face des minorités leur manque d’intégration quand on leur ferme les portes de l’émancipation par le travail les unes après les autres ? C’est d’autant plus absurde que cette nouvelle offensive contre le foulard ne touche évidemment que les femmes, au nom d’une « émancipation » qu’on bloque en les privant de l’accès à l’emploi, donc à l’indépendance économique et la possibilité de faire librement leurs choix de vie !".

L'enfer est pavé de bonnes intentions...

A mon avis, les bons sentiments de Tayush l'amènent à avoir tout faux.

Un exemple pris au hasard : moi ;-) .
Car si, comme je l'ai lu, on tente indamissiblement de rendre la foi de cette limbourgeoise "invisible", alors que dois-je dire ?
J'ai passé ma vie dans des bureaux où l'on trouvait, en bonne coexistence, des libéraux, des socialistes, des trotskistes, des maoïstes, des chrétiens engagés, des bouddhistes, des libre-penseurs... Jamais personne n'a eu l'idée, aussi engagé ait-il été, de venir travailler en affichant un signe vestimentaire d'opinion personnelle. Celui qui l'aurait fait aurait certainement eu droit, à part la désapprobation de ses collègues, à une note de service salée, et s'il avait persisté, je pense qu'il aurait été déplacé ou n'aurait pas vu son contrat renouvelé. S'il s'était plaint auprès du Centre pour l'Egalité des Chances qu'on tentait de rendre les (socialistes, libéraux, bouddhistes etc...) "invisibles", ses collègues lui auraient conseillé de prendre du repos. Et nous n'étions pas en contact avec le public.
Je trouve cela parfaitement normal. Je ne veux pas être accueilli dans un magasin (et jouer sur le mot "emploi privé" n'y change rien) par un vendeur qui porterait un brassard du Vlaams Belang, un badge MR ou un t-shirt à l'effigie de Staline, pas plus qu'une toge orange, un turban sikh ou un voile. Jusqu'à présent, ce genre d'agression m'a été épargné. Je souhaite que cela reste le cas. Et la déguiser en diversité culturelle est un tour de passe-passe. La diversité culturelle, je la vis tous les jours, dans la rue, dans les magasins, vivant par choix depuis 26 ans à 200 mètres d'une mosquée, dans un quartier très musulman où je suis très heureux (ce qui ne m'empêche pas de recevoir de doctes leçons de convivialité par des gens qui curieusement vivent à Uccle ou dans d'agrestes campagnes bleu-blanc-belge). Là, la diversité culturelle est pleinement appelée à s'exprimer, elle est enrichissante et quelle que soit ma désapprobation quant à la sinistre signification du voile, je suis prêt à défendre le droit de le porter en rue, comme je défends le droit de Mme Özdemir à porter le sien au Parlement ou le droit des fondamentalistes de porter la burqa.
La comparaison effectuée par Tayush avec l'idée qu'un employé serait licencié parce qu'il serait noir ou gay est absurde. Il s'agit là d'une façon d'être, pas de l'affichage public d'une opinion. La bonne comparaison serait avec un employé qui afficherait un badge "Black (ou White) Power" ou un t-shirt "L'hétérosexualité est l'opium du peuple" (comme tagué sur un mur de mon quartier).
"Elle refuse au nom du droit constitutionnel fondamental de tout individu de manifester ses convictions en privé comme en public, ", écrit Tayush. Affirmation sans sens, et belle planche tendue aux islamophobes ... Laissera-t-on quiconque se planter devant une mosquée avec un panneau "Allah n'existe pas" ? Evidemment qu'il s'agirait d'une attitude contraire à l'ordre public.
Ce n'est pas la seule planche tendue ainsi aux islamo- et xénophobes. Car ce genre de texte, et la manifestation d'il y a peu, ne peuvent servir qu'un seul discours : "Regardez, on exige pour les musulmans des droits qu'on refuse à autrui !". On ne peut rendre au VB et autres un meilleur service. Les dirigeants musulmans (et la masse de leurs ouailles) semblent d'ailleurs se tenir à l'écart de ce genre de p(r)êche en eau trouble, puisque la manif n'a réuni qu'un millier de personnes selon certains, quelque 300 selon le PTB - . Quand on connaît la capacité de mobilisation du monde musulman, c'est bien peu...

Petit rappel : cette employée de Hema n'affiche pas un signe musulman, mais une survivance de coutumes préislamiques. De nombreux théologiens musulmans soulignent que rien dans le Coran n'impose le port du voile, et T Ramadan comme son épouse reconnaissent qu'on peut être une bonne musulmane sans le porter.
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