dimanche 7 février 2010

Climat : Le Cri Du Pentagone.



George W. Bush n'a jamais prêté une oreille très cordiale aux cris d'alarme concernant le réchauffement climatique et les émission de dioxyde de carbone. Washington refusa de ratifier le protocole de Kyoto. Le président déclara qu'appliquer ce texte aurait ruiné l'économie états-unienne, et qu'il valait mieux miser sur le développement de nouvelles technologies que réduire les émissions nocives. Barak Obama promit au contraire que les USA prendraient la tête de l'effort mondial pour la réduction de l'effet de serre. Il est parvenu à faire passer en juin 2009, de toute justesse (219 voix contre 212), un projet de loi à la Chambre, l'« American Clean Energy and Security Act », instaurant un marché des émissions de CO2 (Cap and Trade). L'obstacle du Sénat s'annonce encore plus difficile à passer.
Or, ce projet de loi, couvert de malédictions par les républicains qui l'accusent de vouloir torpiller l'économie nationale, est encore fort en dessous des objectifs européens, eux-mêmes jugés très insuffisants par la plupart des spécialistes.
Pourtant, l'ère Obama a marqué quelques différences par rapport à la présidence précédente.


La Suite

L’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA) a déclaré en avril 2009 que six gaz à effet de serre (CO2, méthane, oxyde nitreux, hydrofluorocarbone, hydrocarbure fluoré et hexafluorure de souffre) représentent une source de pollution et menacent la santé publique. L'administration a publié en juillet un millier de photos prise par satellite et révélant les effets du réchauffement. Celle-ci montre par exemple l'évolution de la présence des glaces dans la mer de Beaufort, qui jouxte l'Alaska et le Canada. L'administration Bush les avait interdites de publication.
Autre signe, tout récent : les changements climatiques figurent désormais parmi les menaces à la paix et à la sécurité nationale. C'est une nouveauté marquante, qu'on trouve dans le dernier examen quadriennal de la défense, un document publié par la Défense. "Au Pentagone, le dérèglement climatique fait désormais partie des scénarios catastrophes. Plus que jamais, les implications d’une élévation des températures sur les maladies infectieuses, la sécurité alimentaire et les ressources en eau, le risque de cataclysmes et les migrations forcées sont dans le radar de l’armée américaine", note la correspondante de la Libre Belgique. Le réchauffement encouragera l'instabilité et les conflits, souligne le rapport, en provoquant famines, manque d'eau, maladies et migrations. L'armée est priée de réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 34 % en 2020 par rapport au niveau de 2008, comme d'ailleurs tous les secteurs d'activité du gouvernement fédéral.

Réchauffement Or Not Réchauffement ?

Ce rapport ne manque pas d'intérêt alors que se développe un courant qui vise à relativiser ou à nier la menace climatique. Parfois, ce courant emprunte les circuits de la pensée conspirationniste. Si on a défendu l'idée que le 11 septembre 2001 est une mise en scène ourdie par le gouvernement de Washington, si la grippe H1N1 est présentée comme fabriquée par les gouvernements mondiaux pour éradiquer le surplus de population - ou par les compagnies pharmaceutiques -, pourquoi ne pas se persuader que le réchauffement n'est qu'une invention promue, pour des motifs obscurs, par ceux qui nous cachent tout et ne nous disent rien ?
Mais cette forme caricaturale est loin d'être la seule. Ainsi, la Libre Belgique a publié une "Opinon", "Après Copenhague, Changeons De Cap", signée par Monsieur Olivier Cogels, Professeur Extraordinaire à l’Université Catholique de Louvain, spécialiste en gestion des ressources en eau, producteur de vidéos, dont le C.V. promet un autre niveau.
Le texte débute néanmoins avec un certain manque de nuances puisqu'on y lit d'entrée de jeu : "Une dangereuse dérive dans nos relations Nord-Sud. Ceux qui osent douter du réchauffement climatique sont traités de négationnistes, d’assassins, ou de constructeurs de chambres à gaz." La thése du réchauffement aurait "dégénéré en une accusation grave de l’homme occidental", mettant fin à un "dialogue amical de coopération Nord-Sud".
On lit ensuite, entre autres : "Rappelons que les activités humaines n’émettent que 5 % des émissions totales de CO2 sur terre et sur mer." Là n'est pas la question ; celle-ci est bien plutôt : "Cette production des activités humaines rompt-elle un équilibre ? " Idem quand on lit que le CO2 "n’est pas un sale polluant, mais un gaz aussi noble et vital que l’oxygène". Là encore, la question n'est pas de ses lettres de noblesse mais de l'importance des quantités produites et de leurs conséquences (aussi noble que soit l'oxygène, il n'est pas recommandé d'en respirer longtemps à l'état pur). Si la part due aux activités humaines est relativement faible, on note une forte augmentation récente et qui ne fait que s'accélérer (3,2% par an entre 2000 et 2004, contre 1,1% dans les années '90).
Poursuivons : "Qui sait qu’au Pôle Sud la glace serait en train de s’épaissir ? " . Ah ? Pourtant le Figaro, qui n'est pas un brûlot écolo-gauchiste, titrait récemment : "Pôle Nord, pôle Sud : la fonte des glaces s'accélère", signalant qu'une énorme plaque de glace s'était rompue entre l'ïle Charcot et le continent antarctique. Ce "pont de glace", la plate-forme Wilkins, mesurait 50 km de large en 1992, moins de 5 km en mars 2009, et s'est rompu en avril 2009. De la glace flottante qui fond, cela ne fait pas monter le niveau des océans, mais, écrit le Figaro, "la disparition de ces bouts de banquise inquiète terriblement les glaciologues. La banquise agit, en effet, comme un frein qui permet de ralentir l'écoulement des glaciers dans les océans.(...) Au début des années 1990, les scientifiques estimaient que les premiers symptômes de la vulnérabilité de ces grands blocs de glace de l'Antarctique n'apparaîtraient pas avant une trentaine d'années. Cela a mis moins de quinze ans." Si les glaces restent intactes, c'est uniquement à l'Est du pôle Sud, là où les températures sont extrêmes (- 50° en hiver, -10 en été). Quant au pôle Nord, les effets du réchauffement y atteignent une ampleur qui prend de court les prévisions.
"L'accroissement de température n’a été que d’environ 0,7°C au siècle dernier et la montée des océans de 2 mm/an. A ce rythme il faudrait des milliers d’années pour atteindre les niveaux apocalyptiques présentés dans les medias", écrit encore Monsieur Cogels. Curieux raisonnement qui se base ... sur la moyenne d'un siècle. La production de gaz à effet de serre ne devait pas être bien élevée en 1901, ni en 1930. Ce sur quoi il faut évidemment se baser, c'est sur les températures des toutes dernières années du XXè siècle. "Selon les reconstitutions de températures réalisées par les climatologues, la dernière décennie du XXe siècle et le début du XXIe siècle constituent la période la plus chaude des deux derniers millénaires" (Wikipedia).

Une "Course Dans L'Inconnu" ?

Je ne puis citer tout l'article , lisez-le, mais, en gros, que dit-il ?

1. Pas du tout que la thése du réchauffement est fausse, mais que certains points ne sont pas démontrés.
Ce qui est exact. Reste qu'une grande majorité, non seulement des scientifiques, mais des gouvernements, en acceptent les grandes lignes, tout comme maintenant l'armée des USA. Par ailleurs, beaucoup d'arguments avancés dans l'"Opinion" sont présentés au conditionnel ou assortis d'un "peut-être". En attendant, on trouve sans difficulté des preuves photographiées, filmées, précises, de la fonte des glaciers et de la banquise. Qu'il aurait fait aussi chaud qu'aujourd'hui au Moyen-Age - avant une descente des températures - , fait bien connu, là n'est pas le problème, celui-ci est qu'on risque d'induire en quelques décennies des changements qui s'étalaient sur des millénaires...
Que l'on passe au crible les données plaidant pour la thèse du réchauffement est très positif. Comme on le lit dans un vaste et intéressant panorama des arguments pour et contre, il est "indispensable qu'il y ait des sceptiques pour mettre en cause le consensus du GIEC (NB : Groupe intergouvernemental d'experts sur le climat) et ne pas tomber dans une pensée unique imbécile". N'empêche que l'auteur du panorama finit par grommeler : "On est donc loin des certitudes, mais il y a certainement de quoi paniquer quand même...".
2. Que la thèse du réchauffement s'accompagne d'un discours anticapitaliste et antioccidental. Serait-ce vrai que cela ne prouverait en rien la fausseté ou la justesse de l'une ou l'autre thèse scientifique. Mais c'est faux. L'écologie politique est une auberge espagnole, où l'on apporte généralement ses convictions préexistantes. Quoi de commun entre celle, libérale, de Cohn-Bendit, celle décroissante de Serge Latouche, celle marxiste de Daniel Tanuro ? Par ailleurs, de nombreux gouvernements ont accepté la thèse du réchauffement au point d'être représentés à Copenhague. La majorité de ces gouvernements ne sont probablement pas frénétiquement anticapitalistes - pas plus qu'un Al Gore par exemple - .

3. Qu'une Agence Mondiale pour l’Eau serait plus utile qu'une Agence Mondiale pour le Climat. Pourquoi faudrait-il sacrifier l'un de ces thèmes à l'autre ?

4. Enfin, il parle d'arrêter une "course dans l'inconnu" . "Alors qu’il n’existe pas de preuve scientifique que le CO2 anthropique est en train de bouleverser le climat, nous sommes sur le point de sanctionner l’humanité toute entière en vertu du seul principe de précaution, sur base d’indices et de présomptions." Ici, il me semble que l'on met les choses sur leur tête. Même s'il n'y avait que 30 % des scientifiques qui soutenaient la thèse du réchauffement, la course vers l'inconnu serait de ne pas tenir compte de l'hypothèse "réchauffement", puisque c'est là que se situe le danger le plus grave. Et ils sont bien plus que 30 %.

Le Climat Fait Un Tabac.

Mettre en doute la thèse du réchauffement est actuellement une façon assez sûre de créer le buzz (pour combien de temps ?). Il est vrai que les intérêts en jeu sont énormes : rien qu'aux Etats-Unis, la bataille en cours autour des lois pollution mobilise les lobbys qui crient à la mort de l'économie, et donc les relais ne manqueront pas. Le piratage des courriels d'un climatologue expert au centre de recherches sur le climat de l'université d'East Anglia, accusé d'avoir masqué une donnée, a fait les titres de la presse. Mais immédiatement, plus de 1 700 scientifiques britanniques ont signé une déclaration réaffirmant leur conviction que le réchauffement climatique est provoqué par l'homme. Succès médiatique aussi pour une erreur dans un document du GIEC, qui annonçait que les glaciers de l'Himalaya risquaient d'avoir disparu en 2035. Cette erreur (sur l'origine de laquelle une enquête a été ouverte) est la seule relevée dans le rapport, qui compte 976 pages. On a infiniment plus parlé de cette erreur que, par exempe, des centaines de photos révélatrices que l'administration Bush avait dérobées à notre curiosité. On a ainsi lu dans le journal britannique Mail on Sunday qu'un expert nommé Murari Lal, au courant de la bourde, aurait fermé les yeux pour accroître la pression politique. Bien sûr, l'affirmation a été reprise sur des centaines de sites (effectuez une recherche sur " "murari lal" "mail on sunday" "). Le journal Le Monde a contacté Murari Lal, qui a déclaré : "Cette histoire est complètement absurde, affirme-t-il. D'abord je ne suis pas glaciologue (comme le dit le tabloïd) mais physicien de l'atmosphère et spécialiste de modélisation du climat. Ensuite, je n'ai jamais tenu ces propos, à aucun moment, et je condamne fermement celui qui me les a attribués."

Tout cela me rappelle un peu les articles et livres qui "démontraient" il n'y a pas si longtemps que le tabac n'est pas malsain et que ceux qui l'affirmaient étaient des excités, des "ayatollahs". Ici, les enjeux sont plus lourds encore.


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Mots-clef : environnement, climat, etats-unis, obama, bush, polémique, négation, pôle, fonte, glaciers

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