mardi 15 novembre 2016

Trump a gagné.

Mains très masculines. La statue de la Liberté est-elle une drag queen ?

Au cas où vous ne seriez pas au courant : Trump a gagné.
On peut poser la question : et si les démocrates avaient choisi Bernie Sanders au lieu d’Hillary Clinton ? On aurait eu une campagne d'un autre niveau, parce que Sanders donnait des éléments de réponse aux questions que Trump posait, notamment l''emploi, et proposait des choses dont les E.U. n'ont pas l'habitude d'entendre parler, tandis que les propos d'Hillary ont retenti comme un "On continue comme avant". Sanders a amené un souffle frais dans la politique de son pays, et il a même pu utiliser le mot « socialisme » sans qu’on l’arrête pour avoir proféré une obscénité. Il a soulevé un grand enthousiasme, qui laissera des traces, dans une fraction du public - surtout de la jeunesse -. De là à dire qu’il aurait pu battre Trump, je pense qu’il y a une immense marge.

La suite:

La vague qui a porté celui-ci était probablement bien plus profonde et, hélas, bien plus populaire. Sanders a cartonné dans un bouillon de culture : des gens s'intéressant à la chose citoyenne, puisque membres d'un parti, des gens qui avaient choisi, des deux partis importants, le plus à gauche, et la frange sans doute la plus généreuse, la plus avide de changement de ce parti : les jeunes. Ce bouillon de culture n'est pas représentatif de la moyenne d'une société où être partisan d'une sécurité sociale est encore largement vu comme du communisme, où les athées sont exclus de certaines fonctions publiques, où le racisme est encore un puissant ressort politique, où un quart de la population croit encore que le soleil tourne autour de la Terre et où une moitié ne sait pas que l'homme a évolué à partir d'espèces animales.

On m’a aussi confronté à la remarque suivante :
« Les USA = 330 millions avec les clandestins
N'ont pas le droit vote = 110 millions dont les "enfants" sachant que la majorité civile est à 18, 19 ou 21 ans selon les États…, les personnes incarcérées et assimilées, les personnes déchues de leurs droits pour diverses raisons (santé mentale…), les étrangers dont les clandestins.
Ont le droit de vote = 220 millions
Ont voté = (moins de) 110 millions
Ont voté pour Trump = 53 millions = 48 % des votants, 24 % des électeurs, 16 % des résidents... au mieux. »

Arithmétiquement exact, à la grosse louche. Mais … 
Mais les résultats auraient-ils été fondamentalement différents si les catégories exclues avaient voté ? Croire que la situation sociale détermine le vote est un peu mécanique. Il y a eu un vote féminin Trump et un vote hispanique Trump, contrairement aux prévisions. Et je suis loin de penser que dans les prisons, on se serait détourné avec horreur du caïd Trump. Les "illégaux" n'auraient sans doute pas voté pour lui. Mais combien d'entre eux utiliseraient-ils leur éventuel droit de vote ? Il ne suffit pas de marteler "Votez, c'est important". On a beau le faire en France, ce pays s'habitue à des taux d'abstention de +/- 50 %.

Bonjour les dégâts...

Trump a gagné. À quels dégâts s’attendre ? 

Allusion au célèbre "I grab them by the pussy"
 ("je les attrape par la chatte"). 

Femmes :

Trump est hostile à l’amendement autorisant depuis 1973 l’interruption de grossesse aux USA sous certaines conditions. Ses bras droits aussi. Si l’amendement en question est abrogé, autoriser ou interdire reviendra aux États fédéraux. Trump a déclaré à CBS que les femmes qui vivent dans un État interdisant l’avortement n’auraient qu’à se rendre dans un autre État. C’est gentil, mais la réalité est un peu plus compliquée. Dans plusieurs États, il est devenu presque impossible d’avorter, parce que les cliniques pratiquant des IVG ferment les unes après les autres. L’amendement a été amendé, sa portée a été réduite, et la pression du mouvement « pro-life » se fait de plus en plus forte. Sans compter qu’en moyenne, les États des USA sont plutôt grands, et que Conchita, qui fait les ménages et qui, depuis que la crise des subprimes l’a ruinée en 2008, vit dans une camionnette qui ne roule plus, aura peut-être quelques difficultés à faire le voyage.

L’horizon est sombre pour la défense de l’IVG, celle du planning familial et même du féminisme : Hillary Clinton n'a pas traversé le « plafond de verre » qui sépare les femmes des charges supérieures, et pour l’instant la seule femme qui fera peut-être partie du gouvernement est l’ineffable bigote Sarah Palin.

Environnement :

Trump veut une Amérique dont l’indépendance énergétique reposera sur les énergies fossiles : charbon, pétrole, gaz de schiste. Pour lui, que le réchauffement climatique est dû à l’activité humaine, c’est une légende lancée par les Chinois pour torpiller l’économie des Etats-Unis. Ces derniers sont les plus grands producteurs mondiaux de gaz à effet de serre après la Chine. L’administration Trump risque fort d’enterrer un projet d’Obama, le Clean Power Plant, devant ramener l’émission de ces gaz sous le niveau de 2005 d’ici 2030. Et Trump tentera sans doute de se délier de l’accord (très insuffisant) de Paris, qui vise à limiter la hausse des températures, notamment en émancipant l’économie des énergies fossiles.
L’horizon est sombre pour l’avenir de la planète.


Immigration :

S’il ne parle plus d’expulser 11 millions de personnes, le futur président envisage d’en renvoyer, aux dernières nouvelles, deux ou trois millions. « Les criminels », dit-il. On ignore d’où il tire qu’il y aurait autant d’immigrés coupables de crimes, à moins d’exhumer d’anciennes contraventions de roulage. Cette politique agressive se heurte à des promesses de résistance, non seulement d’organisations mais aussi de municipalités.
Les promesses du candidat Trump dans ce domaine n’enthousiasment d’ailleurs pas les chefs d’entreprise, qui peuvent compter grâce à l’immigration clandestine sur une main d’œuvre abondante et bon marché.
Ici aussi donc, gros nuages à l’horizon.


Et pour la paix ?

La première réaction qui nous vient est d’imaginer quelqu’un d’apparemment aussi peu équilibré appuyant sur le bouton rouge et envoyant un missile vers l’État qui l’aura énervé. Mais le président des USA n’est pas seul aux commandes du pays – Obama en sait quelque chose, les Républicains, majoritaires au Congrès, en ont profité pour lui attacher un boulet au pied -. La Chambre des représentants et le Sénat (qui composent le Congrès), la Cour Suprême, les États fédéraux, autant de rouages du pouvoir. Les Républicains vont probablement cornaquer soigneusement leur champion – président le plus inexpérimenté politiquement de l’Histoire du pays – et déclarer la guerre exige l’aval du Congrès. Par ailleurs, Trump se présente (actuellement) comme non-interventionniste. Et malgré une politique étrangère et militaire pour le moins active sur le plan mondial à partir de 1941 (et bien avant en Amérique Latine), l’isolationnisme fut longtemps l’une des tendances fondamentales de la politique de Washington.
Ainsi, les parlementaires imposèrent en 1935, par une loi, la neutralité au président Roosevelt, malgré les bruits de botte qui annonçaient la guerre mondiale. Il fallut l’attaque japonaise contre Pearl Harbour en 1941 pour que Roosevelt obtienne l’accord des représentants et puisse déclarer une guerre déjà entrée dans les faits en réalité.
En 1991, quand l’Irak eut envahi le Koweït, le président Georges H. W. Bush demanda au Congrès d'approuver l'usage de la force contre l'Irak, conformément à une résolution des Nations Unies. Il avait été ovationné par les représentants quand il avait déclaré « Les Etats-Unis et le monde doivent se dresser contre l’agression. Et ils le feront ». L’opinion était extrêmement dressée contre l’Irak. Pourtant, la majorité ne fut que de 250 voix contre 183 à la Chambre des représentants et de 52 voix contre 47 et une abstention au Sénat.
Bush junior eut plus de succès pour lancer l’invasion de l’Irak en 2011 : 297 oui, 133 non et 3 abstentions à la Chambre, 77 oui et 23 non au Sénat. Mais en 2011, le Congrès s’opposa à l’implication croissante des USA dans l’intervention en Libye contre Kadhafi. Seulement, Obama, invoquant la résolution adoptée par l’ONU et l’implication de l’OTAN, passa outre malgré plusieurs résolutions hostiles de la Chambre. Il porta ainsi l’essentiel d’une opération qui allait plonger la Libye dans le chaos. 
Refus de nouvelles croisades militaires, refus des grands accords de libre-échange, sont peut-être des éclaircies dans l'avenir. Peut-être, car les contours du futur sont pour l’instant fort flous.

Il y a en tout cas un point du programme de Trump auquel la gauche pourrait adhérer : un grand programme de travaux publics. On peut se demander pourquoi Clinton n'avait pas le même projet - qui fait pourtant partie des traditions : c'est ainsi que F D Roosevelt recréa de l'emploi après la récession des années ‘30. Maintenant, on peut aussi se demander comment Trump financera ces travaux alors qu'il annonce des baisses d'impôt tous azimuts...


Retour à l'accueil

Cliquez ici pour recevoir chaque mois une liste des nouveaux articles de ce blog. Vous pouvez être prévenu/e de chaque parution en cliquant "Messages (Atom)" tout en bas de la page d'accueil.

Mots-clef : États-Unis, USA, Trump, élections 2016

Aucun commentaire: