vendredi 18 mai 2012

Salaires De Ministres, Salaires De Patrons...

Je vois circuler très abondamment le graphique comparant les salaires des gouvernants dans divers pays. C'est le le site d’information français Direct Matin qui a publié une infographie établissant la comparaison entre le salaire de différents dirigeants européens. Bien sûr, l'occasion en était la diminution des salaires ministériels appliquée, comme promis, par François Hollande. L'ennui, c'est que ce genre de comparaison n'a pas beaucoup de  signification puisqu'il s'agit de montants brut. En Belgique, en net, le salaire des ministres est de 10.700 et non 17.500.

Suite de l'article :
Les prélèvements, les avantages, tout cela est variable d'un pays à l'autre. L'impôt sur le revenu professionnel étant particulièrement lourd en Belgique, Sabrina Scarna, avocate fiscaliste, a expliqué au JT 19h30 que même après la diminution imposée aux ministres français, Elio di Rupo gagne, net, au final, moins que François Hollande. Mais surtout, c'est un salaire minuscule comparé à ce que gagnent les dirigeants du privé : les salaires des dix patrons les mieux payés de France vont de 250.000 à 375.000 euros par mois.


Or, curieusement, on se scandalise un peu partout (voir Facebook, excellent baromètre, ou certains forums de journaux), du salaire des fonctionnaires ou des gouvernants, et jamais des émoluments du privé. Pourtant, Le Soir" notait le 3 mai : "... ces faits dénotent un mal profond, une inégalité croissante : la tension salariale qui s’accroît. Ou, autrement dit, l’écart entre le salaire le plus bas et le plus haut. L’industriel Henry Ford et le banquier John Pierpont Morgan le situaient entre un et quarante. Aujourd’hui, un grand patron belge ou français empoche, en moyenne, de 2 à 3 millions d’euros par an".
L'un de mes correspondants note que si on s'occupe tant du salaire ministériel, c'est "Sans doute parce que les gens ont l'impression de payer de leur poche les émoluments des dirigeants politiques et se disent que le privé fait ce qu'il veut... Or, évidemment, on paie aussi indirectement les salaires du privé qui sont répercutés dans les prix". Probable. J'ai aussi lu : "Si le bon peuple se scandalise à propos des salaires des dirigeants, c'est parce que ce fric sort en droite ligne de sa poche". Nuance : le bon peuple réalise que cet argent sort de sa poche. Mais les rémunérations des actionnaires et des grands patrons sortent aussi de la poche du bon peuple. Via les prix, comme mentionné plus haut, mais pas seulement, loin de là. Ces dirigeants deviennent multimillionnaires en licenciant, parce qu'une boîte qui "dégraisse" voit monter ses actions, donc les actionnaires acceptent de bien payer un patron qui les enrichit. Donc on devient millionnaire en mettant à la poubelle des milliers de gens que l'on appauvrit : leur salaire sera remplacé par une allocation de chômage, ces allocations qu'on diminue alors que les revenus du capital ne font qu'augmenter.
 Ce salaire sort aussi de la poche des travailleurs parce que l'imposition n'a rien à voir avec le revenu. ArcelorMittal : 1,39 milliard de bénéfices en 2010, 0 euro d'impôt. Chaque Belge contribue donc à payer pour ArcelorMittal.
 Enfin, sans avoir nécessairement une sympathie particulière pour l'ensemble du monde politique, il faut quand même reconnaître que si on veut payer des dirigeants compétents un salaire d'ouvrier, vu leurs compétences la plupart d'entre eux finiront par aller dans le privé. M. Dehaene gagne infiniment mieux sa vie via Inbev que via ses fonctions politiques. En tant qu'ancien administrateur, il a eu droit à un paquet de stock-options valant 3 millions d'euros. Pour l'administrateur-délégué d'Inbev, Carlos Britto, on s'attend à une prime de 135 millions d'euros. Qui a gagné ces 135 millions par son travail ? Ce ne serait pas les travailleurs de la firme ? 135 millions d'euros, c'est le salaire moyen qu'un travailleur d'AB-Inbev peut gagner en 4.500 ans.

Si l'on trouve que le Premier ministre fait mal son boulot, c'est un autre problème, il faut militer contre, cela s'appelle la politique. Mais si on s'imagine qu'on va trouver un ministre compétent en le payant le salaire d'un ouvrier communal, ben non, quoi qu'on en pense par ailleurs. Quelques idéalistes qui tiendront quelques années, peut être. Et non, je ne comprends pas les gens qui s'indignent du salaire que touche quelqu'un chargé de diriger un pays, et pas du salaire dix fois supérieur de quelqu'un qui est chargé de veiller au revenu des actionnaires, ce qui me paraît moins noble. J'aimerais qu'on s'indigne un peu moins du salaire du Premier et un peu plus de sa politique... Et à ce propos, je trouve un peu bizarre que l'on fasse tant de bruit autour de cette histoire de salaire des ministres, et si peu à propos de la diminution des allocations des chômeurs.

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