dimanche 29 mai 2011

DSK : Lettre ouverte à une amie


J'aime beaucoup B. Elle est généreuse, soupe au lait, progressiste et sensible. Ce sont ces qualités, je le sais, qui l'ont amenée à laisser sur mon répondeur un long message dans lequel elle exprimait sa très sincère, sympathique et altruiste compassion pour le président du FMI, homme montré menotté, médiatiquement lynché, et emprisonné. J'aime sa sensibilité, mais en l'occurrence pas ses conclusions. Je lui ai répondu par une longue bafouille qui vient s'ajouter à la montagne de texte engendrée par l'affaire. Il est vrai qu'on peut difficilement imaginer confrontation mettant mieux en scène des archétypes : d'un côté la puissance (avec ou sans jeu de mots), le pouvoir, l'animalité (présumée), d'autre part un personnage qui nous rappellera immédiatement d'autres archétypales que sont Cosette ou, dans un univers plus féérique qu'un Sofitel, Cendrillon.


Suite de l'article

"Dear B.,

Petit souper avec plaisir, mais pas tout de suite, mon agenda explose et je prends du retard pour à peu près tout, y compris des choses urgentes et importantes. Quand pars-tu en vacances ?

Ton couplet admiratif sur DSK, homme si intelligent dont le seul tort aurait été d'être séducteur, m'a laissé un peu pantois... De la part des pontes d'un certain monde parisien, rien d'étonnant, mais toi ? Aimais-tu tant être au chômage ? Car tu travailles, avec une juste fierté, dans un service social, et l'intelligence dont tu parles a servi à imposer à divers pays une politique d'austérité, et donc à faire reculer ce genre de services, à tailler dans les budgets sociaux, à s'en prendre à l'indexation des salaires, aux pensions, aux services publics... Est-ce vraiment, d'ailleurs, de l'intelligence, que d'être doué pour appliquer ce genre de politique, qui a fait dire à Mélenchon que DSK affamait la moitié de l'Europe ? On a vu DSK menottes aux poignets. Pourquoi est-ce si scandaleux alors que c'est la norme aux USA ? DSK ne pouvait l'ignorer, ou alors il ne lit pas les journaux états-uniens, alors que le siège du FMI est aux Etats-Unis. On a découvert que le pénitencier où il a passé quelques jours était un enfer. Oui, il n'y a passé que quelques jours, à l'abri dans une cellule individuelle. Où ai-je lu des témoignages d'un peu de compassion pour ceux qui y passent une longue tranche de leur vie, dans la promiscuité, le racket, la violence ? Aujourd'hui DSK a retrouvé un cadre qui lui est plus habituel, un appartement loué 50.000 dollars par mois, après avoir versé une caution d'un million de dollars.
Séducteur, DSK ? Un séducteur veut plaire. Ne serait-ce que par narcissisme, il ne conçoit la relation que comme un rapport dans lequel il est désiré. DSK semble ne pas s'embarasser de ce genre de subtilité, il a été qualifié de chimpanzé en rut par Tristane Banon, qui l'accuse d'avoir tenté de la violer. Une journaliste a témoigné de chantage et de harcèlement : une interview si vous passez le week-end avec moi. Le jour où DSK vient dans les studios de Radio-France, l'humoriste Stéphane Guillon base sa chronique sur l'idée "DSK vient, la direction a ordonné à toutes les femmes de porter des tenues couvrantes et pas sexy, pour éviter les incidents", ce qui donne une idée de la réputation que s'est gagnée le patron du FMI. En 2007 déjà, Jean Quatremer, correspondant de Libération à Bruxelles, écrit sur son blog : "Le seul vrai problème de Strauss-Kahn est son rapport aux femmes. Trop pressant, il frôle souvent le harcèlement. Un travers connu des médias, mais dont personne ne parle (on est en France). Or, le FMI est une institution internationale où les mœurs sont anglo-saxonnes." Sa collaboratrice Piroska Nagy affirme qu'elle a eu une liaison avec lui parce qu'elle avait dû céder aux pressions. Une entremetteuse se plaint qu'il se soit montré, envers une call-girl, extrêmement brutal, et déclare - commentaire amusant - "A 1000 $ l'heure, nous attendons de nos clients qu'ils se comportent comme des gentlemen, pas comme des bêtes". Dans son livre "DSK, secrets d'un présidentiable", publié sous le pseudonyme Cassandre, une ancienne collaboratrice de DSK affirmait que celui-ci avait à son actif plusieurs agressions sexuelles présumées dont une employée de maison mexicaine lors d'une visite de travail au Mexique. La députée PS Aurélie Filippetti a déclaré qu'après les avances extrêmement lourdes de DSK, elle s'était toujours arrangée pour ne pas être seule avec lui dans un endroit fermé.

Loi du silence, présomption d'innocence.

Cela fait beaucoup beaucoup pour un "séducteur" qui ne paraît pas l'être, et a visiblement bénéficié d'une loi du silence. Cette loi est tout imprégnée d'un machisme qui transparaît hélas, par exemple, dans une bouche généralement mieux inspirée, celle de Jean-François Kahn, qui a dû s'excuser après avoir déclaré qu'il n'y avait certainement pas eu viol, mais simplement "troussage de domestique". Sans oublier Jack Lang estimant qu'il "n'y a pas eu mort d'homme".
Tout cela ne signifie pas que DSK est coupable. Ni qu'il est innocent, sauf qu'il doit bénéficier de la présomption d'innocence. Les lyncheurs m'énervent autant que les innocenteurs. Et la suite de DSK au Sofitel devait être immense, vu le nombre de personnes qui y étaient certainement cachées puisqu'elles SAVENT ce qui s'est passé, sans aucun besoin d'une enquête. Tout est possible, même le complot. Hautement, hautement invraisemblable. Mais qu'un président des Etats-Unis envoie de faux plombiers placer des micros pour espionner une réunion du parti démocrate, c'était tout à fait invraisemblable, et pourtant Nixon a bien dû démissionner après le scandale du Watergate. Et nous aurions crié au fou si quelqu'un nous avait dit le 10 septembre 2001 qu'un groupe terroriste allait envoyer deux avions pleins d'innocents dans deux tours pleines d'innocents et brûler 3.000 victimes.

Conclusion provisoire :

J'aime assez cette "leçon" tirée par un article du "Monde" : "Soudain, les langues se délient. Journalistes et collaboratrices des hommes politiques racontent la "séduction" masculine au quotidien, et surtout ses dérives. Sans tomber dans le puritanisme, il existe un remède à ces dérives : la parité hommes-femmes.

Dans les métiers qui se sont féminisés, dans la presse, dans le milieu hospitalier, des comportements communément admis il y a trente ans, ceux de rédacteurs en chef à l'égard de jeunes recrues féminines, ceux de médecins à l'égard des infirmières, sont de moins en moins tolérés. Les hommes, tout simplement, osent moins lorsque les femmes sont plus nombreuses et - c'est crucial - au même niveau d'autorité qu'eux
."
Je t'embrasse.
Ton vieux séducteur ;-) de
Tom.
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