mercredi 9 mars 2011

"Life" ; Sympathy for Keith Richards. (vidéos)


Je m'attendais à "L'Histoire des Stones Racontée Par Un Stone", ce n'est pas ça du tout. "Life" est bien ce que le titre indique : l'histoire d'une vie. Une vie assez exceptionnelle. Et, of course, pas celle d'un enfant de choeur. Celle d'un enfant pauvre, qui devient un adolescent pauvre passionné de musique, tirant le diable par la queue pour pouvoir offrir à sa guitare un jeu de cordes neuves. Un tout jeune homme partageant avec quelques copains une idée fixe, une ambition folle : devenir le meilleur groupe de blues de Londres. Qui ne s'attend pas du tout à ce qu'on les annonce quelques années plus tard comme "The greatest rock'n roll band in the world", et encore moins à jouer, au 21è siècle, au Brésil, devant un public d'un million de personnes. Ni à toucher un jour 7 millions de dollars d'avance pour publier ses mémoires.



La suite de l'article :

Un adulte qui brûle la vie par tous les bouts, qui sait se servir d'un couteau ou d'un revolver, et d'une seringue, beaucoup trop bien, car cette vie faillit bien être dévorée tôt par l'héroïne. Une vie souvent heurtée à l'Autorité, du temps où The Times écrivait, alors que les Stones étaient une fois de plus en tôle pour possession de substances interdites : "Qui veut condamner un papillon au supplice de la roue ?"
Si Keith est ici tout sauf un historien des Stones (quelques mots à peine sur Mick Taylor ou Bill Wyman, une chronologie bousculée), il parle, et combien, de musique et de musiques, lui qui en écoute de toutes sortes et en joue avec tant de monde. Et si vous êtes musicien, vous n'oublierez pas les pages où l'auteur explique pourquoi et comment "ça sonne". Et si vous écrivez des chansons, vous avez intérêt à prendre quelques notes. Il parle d'amour et de ses amours, et aussi, beaucoup, d'amitié et d'amitiés, car elles furent nombreuses à compter immensément pour lui, même si avec le temps, il faut souvent dire, comme dans "Before They Make Me Run", "Well here's another goodbye to another good friend". Et il parle d'humour : les moments drôles foisonnent (Ron Wood, qui possède de splendides chevaux, fou de peur le jour où on l'oblige à monter sur l'un d'eux), comme les moments tendres (l'histoire du petit chien errant devenu la mascotte d'un ramassis de gentils forbans en tournée, et qui termine sa vie en "tsar du Connecticut"), et les moments hautement inattendus. Anecdote : dans un hôtel, Mick Jagger, à 5 heures du matin, trouve drôle de téléphoner à Charlie Watts pour demander "Where's my drummer ?", "Où est mon batteur ?". Charlie, dans sa chambre, dort. Charlie, réveillé en sursaut, raccroche. La fiesta se poursuit chez Mick. Un quart d'heure plus tard, Charlie entre. Plus gentleman que jamais : en costume et cravate, rasé de frais, sentant l'eau de Cologne. Le visage glacé. Il marche droit sur Jagger, et d'un coup de poing l'envoie au tapis. Fait demi-tour, et au moment de sortir, se retourne et lâche : "Don't ever call me 'my drummer' again", "Ne m'appelle plus jamais 'mon batteur'".
Les relations souvent orageuses avec l'autre pilier des Stones prennent évidemment de la place. Où en sont-elles ? Comme le note un lecteur sur Amazon "Ils ne sont plus amis, mais ils sont frères - et si vous critiquez Mick, Keith vous tranchera la gorge". Mais quand Jagger accepte avec fierté d'être anobli, Keith répond qu'il n'a aucune envie d'être récompensé sur ses vieux et riches jours par un système qui l'a persécuté, quand il ne causait de tort à personne mais qu'il représentait quelque chose dont on ne voulait pas.
On rit souvent, puis soudain, on a la gorge qui se noue, et plus d'une fois : ce n'est pas seulement avec sa guitare et sa voix que Keith sait faire partager ses émotions, et des émotions, il en éprouve souvent.
En plus, il sait écrire ! Même s'il s'agit d'un livre réalisé (mais pas rédigé) sous forme d'interview menée par James Fox, guitariste et journaliste, ce n'est pas de la réécriture, car l'on lit des lettres, des notes, très anciennes, et déjà l'homme balançait les phrases - peu académiques - comme il envoie ses riffs. Il a d'ailleurs relu et corrigé ses 576 pages de confidences. Read it in English if you can, something is bound to be lost in the translation. And bloody shit, this is fucking well written. Well, spoken. (Fox explique ici le processus. Pendant tout le temps que Keith parlait, il écoutait attentivement, en même temps, de la musique)
"Life" n'est pas une histoire des Rolling Stones. Pourtant, pour ceux que les Stones fascinent, c'est un livre indispensable : il donne des clefs pour mieux comprendre une aventure unique, qui nous a entraînés par millions dans son sillage.
Thanks, man !

Vidéos :
Pas un enfant de choeur : quand un spectateur agresse les Stones, il trouve à Keith parler. Mais le lendemain, lis-je, Keith payait la caution qui allait rendre la liberté au coupable. Se non e vero ...



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