mercredi 20 octobre 2010

Lettre Ouverte À Ma Fille


Un texte écrit par mon "amie Facebook" Larissa Van Halst, reproduit avec son autorisation...

Ma petite chérie,
Il n'est pas si loin le temps où, bébé insouciant, tu partageais le bain et les jeux de ton frère jumeau.
Il n'est pas si loin le temps où, fillette avec ton frère, tu naviguais entre le groupe des filles chipies et des garçons turbulents comme ambassadrice de paix dans la cour de récréation de l'école primaire. Ta gémellité avec un petit mâle t'accordant une forme de neutralité.
Et te voilà devant la porte de l'adolescence, celui où doucement ton corps change et certaines questions commencent à te titiller.
Et me voilà devant le temps des réponses, celui de t'offrir les décodeurs pour comprendre ce qui t'arrive, de neutre tu deviens femme.


La Suite De L'Article :

Je ne vais pas te parler de papillons et de petites fleurs, ni franchement de sexualité, les enfants ne sont plus les nigauds que nous étions à 12 ans et ça fait bien longtemps que ces questions ont été posées et les réponses apportées. Le "Dis, maman, c'est quoi faire l'amour" et le "Dis, maman, comment on fait les bébés" sont arrivés à l'âge où nous lisions encore le club des 5. Il faut aussi dire que tu fais partie de la génération où le croquemitaine s'appelait Marc Dutroux (Dutrouille pour vous) à l'époque de son procès.
Je ne vais pas te parler non plus de la capacité de haine de l'humain envers l'humain, à 9 ans tu lisais déjà le "Journal d'Anne Frank" puis "L'enfant au pyjama rayé" et toute la littérature possible sur la Shoah pour essayer de comprendre pourquoi sans que ce soit inscrit dans nos racines familiales. Je vous ai entendu parler de démocratie en 3ème maternelle dans la cour de récréation avec un petit camarade d'origine congolaise et rwandaise puis plus tard essayer de comprendre l'expulsion du papa clandestin d'enfants de votre école.
L'écologie, le respect et la protection de l'environnement ont été martelés dans vos petites têtes. Le cycle de l'eau, le recyclage, le développement durable ont été dessinés et coloriés plus d'une fois dans les expositions de vos classes, t'encourageant vers l'objectif d'études d'agronomie ou de biochimie pour chercher les solutions pour sauver la planète à l'âge où nous rêvions de devenir vétérinaires, instituteurs, policiers ou docteur.
C'est à une de tes questions d'il y a quelques semaines que je souhaite pouvoir répondre. Une question à tiroirs, une question qui remet en question certains de tes acquis lorsqu'à l'école aussi vous avez décortiqué les égalités et les différences entre les sexes et entre les gens. Il vous semblait alors si naturel et normal d'être égaux, d'avoir les mêmes choix et les mêmes droits dans notre démocratie. Et te voilà maintenant perplexe devant des fillettes voilées-serrés, qui, à la taille du cartable qui ne contient encore qu'une boîte à tartines, ne doivent pas encore être en primaire.
Ta première réaction, habitante d'une commune multiculturelle où l'on croise régulièrement des femmes voilées, où tu as vu les mamans de certaines de tes petites camarades de classe en porter, a été de me dire qu'elles étaient trop jeunes. Viennent ensuite les autres questions: pourquoi ces foulards qui de l'accessoire culturel prennent un autre sens lorsque tu as constaté, qu'il y avait, sous-jacente, une autre raison qu'une simple affirmation d'une croyance religieuse.
Dieu merci, pour toi, dieu n'existe pas, même si tu reconnais à chacun le droit de ce choix. Pacte scolaire contraignant, alors que votre école vous apprenait à gommer les différences en grand projet d'année, tes petits camarades et toi, deviez affirmer le choix d'une différence philosophique dès la première primaire. Ce choix n'est pas uniquement celui d'avoir ou pas à donner un nom à un dieu et accepter certaines cérémonies et rites de passage, il va parfois beaucoup plus loin et pas toujours en direction de l'humanisme...
Je me vois donc maintenant et malheureusement obligée de contrarier tes évidences. Des évidences car tu es née dans une famille où depuis ton arrière-arrière-arrière-grand-mère, les femmes ont assumé seules leur destin ou leur choix: une veuve, une fille-mère violée par le notable du village en 1900, une "bâtarde" divorcée dans les années 30, ma grand-mère retournée chez la sienne avec ses enfants, la tienne encore guerrière professionnelle avec son homme au foyer et moi qui ait fait le choix de l'autonomie vis-à-vis de ton père et tient seule la barque.
Des évidences plus relatives d'une société qui tend vers l'égalité homme/femme et rabote vaille que vaille les différences. Une société où les femmes ont acquis, il y a 3 générations pour toi, le droit de vote, le choix d'enfanter et se sont positionnées dans la vie civile,professionnelle et politique. Il y a encore du chemin bien sûr mais nous pouvions prétendre que le changement des mentalités était en bonne voie et que ces questions,tu n'aurais probablement pas à te les poser lorsque, dans une dizaine d'années, tu entreras dans la vie active et l'indépendance d'adulte.
Ce n'est pas un cours d'histoire que je souhaite te donner, ni te parler de l'origine des religions pour calmer les craintes des premiers hommes envers la nature et ses éléments, envers l'inexplicable de la vie et de la mort lorsque la science n'avait pas apporté une grande partie des réponses qu'elle nous a apportée. Les cultes des déesses-mère remplacés par les grands monothéismes masculins lorsque l'humain passa du mode de survie à l'environnement à celui de guerres et conquêtes et la relégation par les guerriers de la femme à son rôle de procréatrice dans la douleur pour avoir causé le péché originel et la perte du paradis...
Ce péché que les femmes ont porté durant des millénaires et que nombre d'entre-nous subissent encore ou acceptent de porter.
J'espère, ma grande puce presque femme, que jamais tu n'auras honte d'en être une, qu'aucun homme ou dieu ne parviendra à te convaincre que tu dois te sentir coupable du corps que la nature t'a donné en le couvrant à l'excès pour te sentir digne, que jamais tu ne seras contrainte ou condamnée dans ta féminité et que toujours, tu seras l'égale de ton frère.
Car pour moi, ce voile, c'est admettre que nous sommes moins que les hommes, admettre que nous sommes une vile tentation dont on doit les protéger et qu'ils peuvent nous punir et nous asservir, admettre aussi qu'ils restent des irresponsables puisque c'est toujours la faute des femmes.
Je ne suis pas en colère contre celles qui le choisissent et le revendiquent librement, je suis triste. Triste qu'elles n'aident pas leurs frères et leurs fils à comprendre, triste qu'elles oublient que ce choix est un luxe de la démocratie et qu'ailleurs certaines en meurent, triste qu'elles perpétuent en acceptant que leurs filles, parfois et fort heureusement rarement toutes petites comme celles que tu as vue, n'apprennent pas que la dignité ne se trouve pas dans la dissimulation de sa personne. Et enfin triste de devoir t'expliquer cela.
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