mardi 23 juin 2009

Voile et Neutralité, Vers la Dérive de la Fonction Publique ?


Le blog de Henri Goldman est le blog intéressant d'un homme intelligent. Celui-ci aligne aujourd'hui, sous le titre "Le voile et la neutralité de l’État" une série de considérations dont certaines rejoignent en partie ce que nous écrivons à propos du voile de la députée bruxelloise Özdemir, mais dont d'autres nous laissent pour le moins sceptique, considérations illustrées par la photo, ci-contre, de policiers britanniques dont l'un affiche son turban religieux.


Je cite donc :
"Car que pourrait signifier l’exigence d’impartialité pour un guichetier des postes ou des chemins de fer ? Pour toutes ces personnes, on ne voit aucun argument proportionné qui pourrait restreindre leur liberté d’expression religieuse. Nous faisons nôtre cette réflexion québécoise : « En interdisant le port de tout signe religieux dans la fonction publique, nous empêcherions les fidèles de certaines religions d’y faire carrière, ce qui (…) compliquerait grandement la tâche de bâtir une fonction publique à l’image de la population du Québec, qui est de plus en plus diversifiée. On porterait alors atteinte aussi à l’égalité entre les citoyens. » (NB : il s'agit du Rapport Abrégé de la commission Bouchard-Taylor sur les accommodements raisonnables).

" Car que pourrait signifier l’exigence d’impartialité pour un guichetier des postes ou des chemins de fer ?" Il faut ne pas connaître la réalité d’un guichet de poste d’un quartier peu favorisé pour écrire ça, ni la tension, l’énervement qui y règnent alors que les files s’allongent, et qui font qu’on suspecte rapidement le fonctionnaire d’être de mauvaise volonté, "et pourquoi est-ce qu’avec la madame qui était avant moi c’est allé tellement plus vite s’il vous plaît ? C’est parce qu’elle porte aussi un voile comme vous ! ". Sans compter la tentation pour certains usagers de s’adresser à un coreligionnaire affiché comme tel pour accélérer les choses, obtenir une petite faveur... Idem, ô combien, dans les gares... Quel bordel, et quelle exaspération xénophobe en perspective ! Quant à l’idée de bâtir une fonction publique "à l’image de la population, de plus en plus diversifiée", je me demande à quoi elle rime. Il faudrait donc qu’on retrouve au sein de la fonction publique les quotas de religion et d’origine existant dans la population ??? Il me semble que la seule exigence qu’on puisse avoir envers la fonction publique, c’est qu’elle fasse son boulot correctement et impartialement. L’idée qu’elle devrait refléter en son sein les mosaïques existant dans la population va à l’encontre de la demande d’impartialité. Pourquoi refléterait-elle cette diversité, si ce n’est pour que les membres de telle communauté puissent être rassurés par la présence protectrice d’un coreligionnaire, ou d’un fonctionnaire originaire du même pays qu’eux ? Et donc les membres de cette communauté feront la grimace si le sort les envoie vers un guichet où le-la préposé-e ne porte pas comme eux le foulard, le turban, la kippa, le flambeau laïque... Que la fonction publique soit ouverte à tous, évidemment ! Mais qu’ils y entrent, y oeuvrent et y fassent carrière en fonction de leurs mérites ! S’efforcer qu’il y ait, pour des raisons spécifiques, un certain nombre de policiers ou de stewarts issus de l’immigration dans certains quartiers est une chose, justement spécifique et limitée. Vouloir qu’ils s’affichent en tant que pratiquants de telle religion est largement dépasser la nécessité (si tant est que cette nécessité soit prouvée). Si les fidèles de telle religion ne sont pas d’accord avec les exigences de la fonction publique, eh bien il y a incompatibilité, on acte, et on ne modifie pas des exigences qui tiennent à la nature de cette fonction pour en ouvrir la porte à ces personnes !
Quant à la photo de "policiers britanniques", elle me paraît nous interpeller sur les rapports entre les pratiques inspirées en Grande-Bretagne par le communautarisme, et la montée triomphale du BNP (extrême-droite), sans oublier le bilan des "accomodements raisonnables" au Québec.
Cette idée de refléter les quota religieux me rappelle une réalité catastrophique (que j’ai bien connue), la façon dont on a imposé pendant tant d’années, à la RTBF, que la composition des Rédactions reflète la représentation politique. Une véritable révolte des journalistes a quelque peu freiné (quelque peu seulement) l’application de ce système qui s’exerçait au dépens de la compétence et de la transparence et faisait en plus peser la suspicion sur des journalistes irréprochables. Ce petit jeu a débouché sur des calculs d’apothicaire lamentables, et quelques promotions discutables. Ce genre de pratiques (qu’on retrouve bien sûr quelque peu différentes dans d’autres secteurs) suffisent largement à contrer efficacité et motivation. Je n’ai aucune envie que l’on implante en plus dans l’ensemble de la fonction publique des exigences arithmétiques ridicules, et qu’on négocie demain - car on en arrivera là - le nombre de sikhs dans l’administration communale d’Ixelles et d’évangélistes dans celle de La Louvière. Il me semble que contrairement à la note québécoise, ce qu’elle préconise est le plus sûr moyen d’aller à l’encontre de l’égalité des citoyens.

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1 commentaire:

Anonyme a dit…

Question de mesure et de bon sens. Nous vivons dans une société où les réactions "affectives" dominent de plus en plus. Attention à l'escalade...